B. RODRIGUEZ (Sharesub) : «La SVOD représente la majeure partie des abonnements partagés»

Avec une croissance de 600 % en 2024 et une présence dans plus de 33 pays, Sharesub s’impose comme un acteur clé de l’économie collaborative. En permettant aux utilisateurs de mutualiser leurs abonnements numériques, la plateforme offre une alternative légale et économique face à l’augmentation constante des tarifs des services de streaming. Quels sont ses leviers pour continuer à séduire les consommateurs ? Benjamin RODRIGUEZ, co-fondateur de Sharesub, nous éclaire sur les défis et les ambitions de son entreprise.

Quels types de contenus stimulent le plus la demande pour le co-abonnement ?

Ce sont souvent ces grandes exclusivités qui poussent les utilisateurs à s’abonner. Nous avons remarqué un pic d’intérêt pour Disney+ suite au lancement de «Bref. 2». Ce phénomène n’est pas nouveau : nous avons déjà observé des hausses similaires avec des séries événement comme «Squid Game» sur Netflix. En revanche, la question du prix reste centrale. C’est là que Sharesub intervient, en leur permettant d’accéder à ces contenus sans exploser leur budget. En termes de tendances, la SVOD (streaming vidéo) représente la majeure partie des abonnements partagés. Aujourd’hui, nous proposons près de 560 services différents, couvrant aussi bien la musique, la presse numérique que des outils éducatifs et des applications. Mais la demande principale reste orientée vers le divertissement.

Les plateformes de streaming adoptent des politiques de plus en plus restrictives pour limiter le partage d’abonnements. Comment Sharesub s’adapte-t-il à ces évolutions ?

Les plateformes n’interdisent pas réellement le partage, elles l’encadrent. Prenons Netflix : au départ, ils prônaient le partage avec leur fameux tweet «Love is sharing a password». Quelques années plus tard, ils ont décidé de le réguler en proposant un partage moyennant un supplément. Ce qui est intéressant, c’est qu’ils ont choisi de monétiser ce modèle plutôt que de le supprimer. Et pour nous, c’est une excellente nouvelle, car cela valide l’intérêt du partage et renforce notre proposition de valeur. Nous suivons donc de près les évolutions des plateformes. Disney+ a annoncé vouloir restreindre le partage, mais n’a encore rien mis en place. De son côté, Spotify a également communiqué sur le sujet. Nous nous adaptons continuellement en fonction des nouvelles réglementations et modes de consommation.

Comment garantissez-vous une expérience fiable et sécurisée sur Sharesub ?

C’est un sujet crucial. Nous avons mis en place des mesures de sécurité strictes, comparables à celles d’une banque. Nous travaillons avec Stripe, une plateforme de paiement accréditée à un niveau très élevé, garantissant ainsi la protection des transactions. Au niveau du partage en lui-même, de nombreuses plateformes offrent aujourd’hui des systèmes sécurisés. Par exemple, Spotify permet d’inviter un membre via un lien dédié, tout comme Netflix avec son nouveau système d’invitation par e-mail. Il n’y a donc plus besoin de partager des mots de passe, ce qui renforce la confiance et la sécurité des échanges. Nos utilisateurs apprécient cette évolution, et nous encourageons ce type de fonctionnement.

Les plateformes proposent de plus en plus d’abonnements avec publicité à prix réduit. Pensez-vous que cela puisse affecter l’attrait du co-abonnement ?

Ces offres publicitaires sont conçues pour séduire de nouveaux abonnés, mais elles ne sont pas toujours avantageuses financièrement. Avec le co-abonnement, un utilisateur peut réduire le coût de son abonnement de 30 à 75%, ce qui reste souvent plus intéressant qu’un abonnement avec publicité. De plus, les abonnements premium offrent des avantages supplémentaires comme une meilleure qualité vidéo, la possibilité de télécharger des contenus hors connexion, ou encore l’absence de coupures publicitaires. C’est une incitation pour les utilisateurs à privilégier le co-abonnement plutôt qu’une offre avec publicité.

Sharesub repose sur un modèle de mutualisation des coûts d’abonnement. Voyez-vous d’autres secteurs où ce principe pourrait s’appliquer ?

Le partage de frais n’est pas un concept nouveau. Blablacar l’a appliqué au transport, permettant aux conducteurs d’optimiser leurs trajets en partageant leurs frais avec des passagers. Nous faisons la même chose avec les abonnements numériques. Le champ d’application est vaste : nous pourrions imaginer des solutions similaires pour des logiciels professionnels, des outils d’apprentissage en ligne ou même des abonnements à des services physiques, comme des salles de sport. L’économie collaborative a encore beaucoup à offrir.

Sharesub est-il un simple facilitateur de partage d’abonnements ou un véritable acteur du marché de la consommation collaborative face aux géants du streaming ?

Nous sommes bien plus qu’un simple intermédiaire. Nous jouons un rôle clé dans la fidélisation des abonnés pour les plateformes. Un utilisateur qui partage un abonnement avec cinq autres personnes a moins de chances de se désabonner, car son coût individuel reste très bas. Nous avons d’ailleurs constaté que notre taux de renouvellement est extrêmement élevé par rapport à la moyenne du marché. Le panier moyen sur Sharesub est inférieur à 5 €, ce qui rend nos services très attractifs. Nous sommes donc un acteur à part entière de cette nouvelle économie numérique.

Les plateformes développent leurs propres offres groupées, comme le pack Disney+/Hulu/ESPN aux États-Unis. Comment Sharesub peut-il rester compétitif face à ces offres intégrées ?

Nous restons très attentifs à ces évolutions. L’offre Disney+ aux États-Unis, tout comme les packs proposés par Canal+ en France, répondent à une logique de regroupement de services. C’est un modèle qui fonctionne bien, et nous proposons déjà ces packs sur notre plateforme lorsque c’est possible. Notre force, c’est notre agilité : nous indexons régulièrement de nouvelles plateformes et nous adaptons notre offre en fonction des tendances du marché. Là où nous nous différencions, c’est en offrant une flexibilité totale aux utilisateurs, leur permettant de choisir exactement ce dont ils ont besoin.

Le co-abonnement va-t-il devenir une norme ou restera-t-il une alternative ?

Nous pensons que le co-abonnement va continuer à se développer. Depuis 2019, nous observons une adoption croissante de ce modèle, notamment dans un contexte économique où le pouvoir d’achat est sous pression. Avec l’augmentation constante des offres de contenus, les consommateurs cherchent des solutions pour optimiser leurs dépenses tout en continuant à profiter de leurs services préférés. Le co-abonnement répond parfaitement à cette demande et devrait s’imposer comme une alternative durable dans les années à venir.