Audiovisuel public: la fusion voulue par Dati commence son parcours législatif

«Une holding pour chapeauter France Télévisions et Radio France en 2025, puis leur fusion dès 2026: voulu par Rachida Dati mais combattu par les syndicats, le big bang de l’audiovisuel public commençait son parcours législatif en commission à l’AN mardi. Sujet récurrent depuis l’élection du président de la République Emmanuel Macron en 2017, cette réforme d’ampleur a pris corps à la vitesse de l’éclair, alors que personne ne s’y attendait il y a encore six mois. Dès sa prise de fonctions en janvier, la ministre de la Culture avait dit vouloir «rassembler les forces» de l’audiovisuel public en allant plus loin que les rapprochements en cours entre France Télévisions et Radio France. Elle avait toutefois entretenu le flou, sans préciser si elle se contenterait d’une holding ou si elle voulait totalement fusionner l’audiovisuel public dans une entreprise unique. Une hypothèse encore plus inflammable pour un secteur déjà inquiet. Pesant de tout son poids politique, Rachida Dati a finalement appuyé sur l’accélérateur: elle viendra défendre elle-même en commission la fusion dès 2026 de Radio France, France TV, France Médias Monde (RFI, France 24) et l’Ina. La proposition clé ne devait pas être mise au vote avant mardi soir tard ou mercredi après-midi. Avant la fusion, l’audiovisuel public passerait par une étape transitoire en 2025, sous un régime de holding. La société géante aurait un budget de 4 milliards d’euros et la réforme concernerait 16.000 salariés. Pour cette 1ère étape législative, quelque 260 amendements sont au programme des parlementaires de la commission des Affaires culturelles jusqu’à mercredi. Ensuite, le texte doit, en principe, passer en 1ère lecture dans l’hémicycle du palais Bourbon les 23 et 24 mai. Les syndicats de Radio France ont déjà appelé à la grève pour ces deux journées. Pour garantir l’adoption de la réforme, la ministre a repris à son compte une proposition de loi déjà adoptée en juin 2023 par le Sénat, dominé par la droite. Ce texte du sénateur Laurent Lafon (Union centriste) prévoit la création d’une simple holding nommée France Médias. A l’Assemblée, les rapporteurs sont Fabienne Colboc (Renaissance) et Jean-Jacques Gaultier (LR), duo à même de rassembler une majorité des voix. La gauche, elle, est vent debout contre le projet même de holding. «Sa mise en place serait l’aboutissement d’un processus de dénigrement et de fragilisation financière de l’audiovisuel public mené méthodiquement depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir», considèrent les députés de La France insoumise (LFI). Le chef de l’Etat avait prôné un rapprochement dès 2017 en dressant un constat sévère de l’actuel audiovisuel public. L’un des prédécesseurs de Mme Dati, Franck Riester, avait porté, en 2019, un projet de holding, mais la crise du Covid-19 l’avait stoppé. Pourquoi cette réforme maintenant ? La ministre assure qu’elle est indispensable face à la concurrence des plateformes internationales et qu’il faut la faire avant la fin du mandat de la présidente de France TV, Delphine Ernotte Cunci, en 2025. Mais, selon un acteur du secteur de l’audiovisuel, c’est aussi un moyen pour elle d’avoir «un bilan» à la Culture avant de briguer la mairie de Paris en 2026. Pour tenter de rassurer sur le plan financier, le député Renaissance Quentin Bataillon a préparé, en parallèle avec l’élu LR Jean-Jacques Gaultier, une proposition de loi afin d’acter un fléchage pérenne depuis le budget de l’Etat au profit du secteur («prélèvement sur recettes»), sur le modèle du financement des collectivités. Depuis la suppression de la redevance en 2022, l’audiovisuel public est financé par une fraction de TVA, selon un mécanisme provisoire. Un autre amendement gouvernemental agite les acteurs privés: il projette de déplafonner les recettes publicitaires de l’audiovisuel public. «C’est un enjeu de financement», a souligné mardi sur France 2, le député Bataillon.