Yolande Moreau, évadée d’un Ehpad, embarque Laure Calamy, femme de ménage exploitée, dans une virée revancharde et déjantée sur fond de #MeToo et injustices sociales dans «Je ne me laisserai plus faire», fiction signée Gustave Kervern pour Arte. «L’une est la cheminée, les flammes visibles, l’autre le feu intérieur», expose le réalisateur, cette fois en solo loin de son compère de cinéma et de l’émission satirique Groland, Benoît Delépine. Anna Mouglalis, Raphaël Quenard, Jonathan Cohen ou encore Marie Gillain complètent le casting de luxe de ce film de 1h38 disponible sur la plateforme arte.tv dès ce vendredi (jusqu’au 26 février 2025) et qui sera diffusé plus traditionnellement sur la chaîne le 29 novembre à 20h55.
A noter aussi des petites apparitions de Corinne Masiero, et, plus inattendu, de Gervais Martel, ex-président emblématique du club de foot de Lens, dans le rôle d’un retraité à l’insulte facile, pensionnaire de l’Ehpad d’où s’échappe Yolande Moreau. Le ton de cette fiction est donné par un morceau du groupe punk américain «The Gun Club», qui fait basculer la scène inaugurale dans une douce folie. «Je ne me laisserai plus faire» avance en équilibre sur un fil tendu entre humour noir et émotion, avec ses personnages centraux porteurs de traumatismes, de brimades sociales à violences sexistes et sexuelles. Des sujets qui tiennent à coeur Gustave Kervern. «Je suis parti de ces petites ou grosses humiliations qu’on subit, de ce qu’on aurait dû dire, et je me suis dit qu’une vengeance a posteriori pourrait donner une bonne histoire», retrace le réalisateur. Gustave Kervern a des souvenirs cuisants d’adolescence, en tant que victime – «je n’arrivais pas à monter à la corde, tout le monde se foutait de ma gueule, et 50 ans après, je m’en souviens» – et comme bourreau. «Un gars s’appelait Siska dans ma classe au lycée et le tableau était recouvert de «Siska Tastrophe», «Siska Membert» etc. On ne s’est pas rendu compte, on est con quand on est jeune, mais en fait, il a changé de lycée du jour au lendemain à cause de ça: j’ai toujours cette culpabilité pour ce mec qu’on avait carrément humilié et harcelé». «Maintenant, on est un peu plus sensible à ce genre de choses. Parce qu’à l’époque, ce n’était pas présenté comme ça», poursuit le réalisateur.
Le film traite aussi «des petits pouvoirs des uns sur les autres», notamment dans le monde du travail ou dans les rapports propriétaire/locataire. Il est aussi question de ces agressions sexuelles passées sous silence à une époque où ces termes n’existaient pas. «C’est vrai qu’il y a 40 ans, on disait, «ça, ce n’est pas grave». Et aujourd’hui, on se rend compte que si, ça peut être grave», abonde Yolande Moreau. «En parlant avec mes petites-filles, qui pensent que c’est grave, je me rends compte qu’il y a des choses qui ont changé». La comédienne est une habituée de l’univers de Gustave Kervern, devenue une des actrices fétiches au cinéma de la paire de réalisateurs qu’il forme avec Benoît Delépine («Mammuth», «Le grand soir», etc).
Laure Calamy est une nouvelle venue, vite adoptée. «C’est une compagne de choix, une bonne comédienne, c’est agréable de travailler avec elle, on rigole bien. Ça me plaît bien, moi, tout ça. Et on peut boire des coups. Ça, c’est important aussi», brosse Yolande Moreau.