R. TURRINI (Fédération française des télécoms) : « En France, les opérateurs télécoms sont frappés d’une fiscalité spécifique qui n’arrête pas d’augmenter »

897

La Fédération Française des Télécoms a révélé hier matin les résultats de l’étude sur l’économie du secteur des télécoms en France commandée au cabinet Arthur D. Little. Rencontre avec Régis TURRINI, Président de la Fédération française des télécoms qui nous détaille les grands enjeux pour l’année 2017.

média+ : La croissance de l’écosystème numérique mondial continue d’être forte, tout particulièrement pour les acteurs internet. Quelle est votre analyse du secteur mondial ?

Régis TURRINI : Dans l’ensemble des régions du monde, l’écosystème télécom est en croissance hormis en Europe. Les opérateurs télécom enregistrent une croissance par an de 7% en Asie et de 7% en Amérique du Nord. L’industrie des télécommunications en Europe est soumise à des politiques de concurrence qui donnent lieu le plus souvent à des guerres des prix. C’est la règle qui s’applique en matière de télécom au niveau européen et national. En Europe, on comptabilise 150 opérateurs, contre seulement 4 aux Etats-Unis et 3 en Chine. Nous sommes très loin d’un marché unique européen. Paradoxalement, nous avons une industrie qui, en termes d’usages, ne cesse de progresser. L’usage de la data progresse de 50% par an, et c’est d’ailleurs ce que nous anticipons pour les 5 prochaines années. Le chiffre d’affaires des opérateurs européens stagne ou baisse. En France, le marché est compétitif. Il existe un nombre de promotions et de ventes privées constantes avec de nouvelles opportunités pour que le consommateur s’abonne au prix d’un café.

média+ : Les opérateurs télécom vivent-ils une transformation radicale de leur métier ?

Régis TURRINI : C’est un métier qui n’a jamais cessé de se transformer. Le secteur se confronte à des cycles technologiques qui interviennent à intervalles réguliers. Nous sommes passés en 10 ans de la 2G à la 4G+, du vieux cuivre à la fibre. Cela sous-entend des niveaux d’investissements extrêmement importants face à des usages qui évoluent. Il y a 5 ans, on ne savait même pas ce qu’était l’OTT (Over The Top). Aujourd’hui, l’apparition de nouveaux acteurs dans le domaine du contenu et des télécoms change la donne. Les GAFA sont eux-mêmes des opérateurs télécom. J’ai l’habitude de dire que Facebook est le plus grand opérateur télécom de la planète avec WhatsApp et Messenger, les deux plus grands services de messageries au monde.

média+ : Les opérateurs télécom doivent-ils redéfinir leur business model pour conserver des marges brutes conséquentes ?

Régis TURRINI : Bien sûr. C’est ce qu’ils font. Le métier traditionnel de l’opérateur télécom, c’est-à-dire celui de l’accès au haut débit fixe ou mobile, va se transformer. Un jour, il n’y aura plus de différences sur le réseau, entre les uns et les autres. La distinction se fera sur le service (bancaire, domotique…) et le contenu. Quand vous voyez que ATT rachète Time Warner, ce n’est rien d’autre que le prolongement de l’acquisition de NBCUniversal par Comcast. On peut aller très loin dans l’intégration verticale, jusqu’à la production de films et de séries. Le groupe Altice le fait déjà en Israël avec sa filiale HOT. Et il n’y a aucun doute que l’audiovisuel se globalise.

média+ : Quels seront les grands enjeux pour les opérateurs télécom en 2017 ?

Régis TURRINI : 2017 sera une année d’échéance électorale où la Fédération rencontrera les gouvernants potentiels pour expliquer dans quel environnement réglementaire, législatif et fiscal on souhaite travailler. Au niveau européen, il y aura une remise à plat des directives en matière de télécom, auprès de la Commission européenne. En France, nous sommes frappés d’une fiscalité spécifique qui n’arrête pas d’augmenter. Elle représente 1,3 milliard € de taxes en 2016 alors que l’industrie télécom investit près de 8 milliards € tous les ans. La taxe Copé, qui sert à financer le service public de la télévision, a augmenté de 44% soit 100 M€ de plus. D’autres taxes de ce type méritent des discussions comme l’IFER Mobile que l’on paye en cas d’installation d’antennes. Plus vous investissez, plus vous payez d’impôt. C’est un cas unique au monde. Nous œuvrons au quotidien pour plafonner cette taxe.