Pascal Rogard, directeur de la SACD (Société des Auteurs Compositeurs Dramatiques) revient pour media+ sur la mission Olivennes qui lutte contre les téléchargements illicites et le développement des offres légales.
média + : Qu’espérez-vous de la mission Olivennes ?
Pascal Rogard : J’espère qu’elle va réussir à dégager une ligne directrice et des consensus entre les deux parties prenantes extérieures à l’Etat, c’est-à-dire les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) et les créateurs producteurs du domaine de la musique, du cinéma et de l’audiovisuel pour trouver les moyens à la fois de lutter contre la contrefaçon numérique et de renforcer le développement des offres légales. Lutter contre la contrefaçon numérique n’a de sens que si on permet aux internautes d’aller sur des offres qui rémunèrent la création. Pour qu’ils aillent vers des offres licites encore faut-il qu’elles existent.
média + : En quoi Internet est-il une chance pour la création ?
Pascal Rogard : Il faut toujours avoir une vision positive. Nous ne pouvons pas bloquer Internet. Je pense que l’Internet est une opportunité dans la mesure où il peut permettre une diffusion plus large des œuvres et un accès du public à une offre encore plus large que celle qui existe actuellement. Le contrôle de la diffusion et les remontées de la recette pour les ayants droits sont assez efficaces. On s’aperçoit qu’il y a une vrai demande des biens culturels sur Internet mais cette demande s’exprime dans l’illicite alors qu’elle devrait s’exprimer dans le licite. Il y a donc une partie pédagogique importante pour faire comprendre au public que chaque fois qu’il acquiert une œuvre de façon illicite, il prive les créateurs de rémunération ainsi que les producteurs d’investir. Nous avons bien vu ce qu’il s’est passé dans la musique: les artistes qui ont vu leur contrat non renouvelé ne sont pas les plus connus. Dans les grandes major, il y avait un certain nombre de départements qui s’intéressaient aux jeunes talents et qui ont du fermer car les recettes ont chuté de moitié en l’espace de quatre ou cinq ans.
média + : Pour lutter contre cette contrefaçon, vous avez dit que la correctionnelle n’était pas une solution. A quel dispositif de sanction pensez-vous ?
Pascal Rogard : Je n’ai aucun dispositif arrêté. Je pense qu’il y a des dispositifs de contraventions qui doivent être imaginés. On peut imaginer des réductions de débit, ça marche pour le cinéma et l’audiovisuel mais pas pour la musique. D’un coté, il faut qu’il y ait une incitation à aller vers une offre licite, il faut tout un système de pédagogie actif et il faut mettre en place des systèmes de sanctions graduées. Je crois que le pénal et la correctionnelle sont totalement adaptés à la partie mafieuse de la contrefaçon et à ceux qui sont les premiers à voler des copies en salles. Aux Etats-Unis, c’est un crime fédéral. Par contre, pour un internaute qui a téléchargé un certain nombre de films ou de musiques pour son usage personnel, le traitement par la correctionnelle ne parait pas adapté. Pour le moment, le phénomène est massif. Il ne faut pas non plus espérer réduire la contrefaçon du jour au lendemain.
média + : Vous avez parlé de la création de l’Observatoire du Spectacle Vivant…quel sera son rôle ?
Pascal Rogard : Le rôle c’est de faire ce qui existe dans le cinéma, c’est-à-dire d’avoir une vision statistique de la fréquentation pour l’ensemble du spectacle vivant (du théâtre, des compagnies…). Pour le cinéma, si vous allez sur le site du CNC (Centre National de la Cinématographie), vous avez tous les chiffres de fréquentation, de production…Mais si vous voulez avoir les mêmes chiffres sur le spectacle vivant, c’est introuvable. Nous même, nous nous sommes lancés dans une étude qui analysait les programmes des centres dramatiques et nous avons vu qu’il y avait beaucoup de créations contemporaines et qu’il y avait de grandes différences entre les théâtres. Il s’agit d’avoir ce que l’on a dans le cinéma et dans l’audiovisuel (par le CNC et par l’autorité de régulation du CSA), c’est-à-dire une vision de la production et de la diffusion du spectacle vivant. Une fois que l’on aura la vision, nous verrons s’il y a un mouvement du public vers le nouveau cirque par exemple. Si l’on constate qu’il y a moins de fréquentation du spectacle vivant, il faudra avoir une politique pour réagir. Pour le moment, le spectacle vivant se porte plutôt bien. C’est incroyable parce que le cinéma est une activité qui est globalement privée et nous disposons de l’ensemble des chiffres dans ce domaine, alors que pour le spectacle vivant qui est par nature une activité subventionnée quasiment intégralement par les pouvoirs publics, à l’exception du théâtre privé parisien, on a une très grande zone d’opacité. Il ne faut pas que le chiffrage devienne un enjeu, il faut que ce soit quelque chose de naturel. C’est à partir de ce chiffrage là qu’on détermine la politique. A partir des données statistiques, les professionnels peuvent discuter et faire des propositions.
média + : Quel est le budget de la SACD ?
Pascal Rogard : Nous encaissons 160 millions d’euros pour 2006, c’est ce que j’encaisse et ce que je reverse. Le budget de gestion est au-delà de 20 millions d’euro. Nous affectons à l’action culturelle, qui est une obligation légale, les 25% de la copie privée.