La nomination à la tête de TF1 de Laurent Solly, un des proches du Président Nicolas Sarkozy, a soulevé des remous au sein de la profession et de plusieurs syndicats de journalistes. Le SNJ, dans une lettre intitulée «Gouverner par les médias», s’est insurgé à l’annonce de cette nomination qu’il juge «extrêmement choquante» et y voit une crise démocratique d’une gravité sans précédent. Pour Dominique Pradalier, seule une réforme importante et la reconnaissance juridique d’une équipe rédactionnelle permettra de «défragiliser» la position actuelle des médias.
média+ : Que représente pour le syndicat l’arrivée de Laurent Solly à TF1?
Dominique Pradalier : C’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. On a assisté, toute l’année dernière, à des décompositions et recompositions de groupes et à la disparition de journaux. Même les grandes institutions comme «Libération» ou le «Monde», que l’on croyait solides, connaissent d’énormes difficultés. Cette fragilité prouve bien qu’il faut réformer les méthodes d’aide à la presse ainsi que les attributions de fréquences en matière de radio et de télévision. Il y a une énorme réforme à mettre sur pied et qui permettrait de «défragiliser» tous ces médias qui sont extrêmement importants pour la démocratie.
média+ : Que préconisez-vous concrètement ?
Dominique Pradalier : Tous ces événements nous ont permis de constater que seule la reconnaissance juridique d’une équipe rédactionnelle par entreprise de presse permettrait à l’information d’échapper à ce tohu-bohu, à toutes ces tentatives de main-mise, ces bouleversements et ces chaos absolument énormes. Il s’agira aussi, pour les citoyens, d’avoir une information de qualité, c’est-à-dire honnête, complète et pluraliste. Je ne vois pas tellement comment on pourrait trouver une solution si l’on ne change pas les méthodes et si on ne reconnaît pas l’équipe rédactionnelle d’une façon juridique afin qu’elle puisse évoluer en dehors des rachats et des ventes.
média+ : Vous évoquiez dans votre lettre «Gouverner par les médias», que «les grandes manoeuvres de l’année écoulée ont mis à mal tant la presse nationale que régionale», à quoi faites-vous référence ?
Dominique Pradalier : Nous nous rappelons, notamment, les tentatives du «Monde» pour racheter «La Provence» et «Nice Matin», mais nous parlons, aussi, du groupe Lagardère et Dassault qui sont en train de partir en morceaux. Il y a plein d’exemples, on a eu une actualité médias de marché extrêmement lourde en 2006 qui a vu la disparition de centaines de journalistes en clauses de cession. Tout cela fragilise d’avantage les médias et les rend un peu exsangues. D’autant plus que ces journalistes ont été remplacés par des jeunes ou des emplois précaires sur lesquels on peut faire pression de manière extrêmement forte.
média+ : Vous dites interpeller les candidats aux élections législatives, quelles sont vos démarches ?
Dominique Pradalier : Nous prolongeons notre travail de questionnement que nous avons effectué, préalablement, auprès des candidats à l’élection présidentielle, à ceux des législatifs. Nous leur demandons de se prononcer et de prendre des engagements écrits, notamment sur la reconnaissance juridique d’une équipe rédactionnelle. Et ceci pour voir, dans un avenir proche, un renouvellement des méthodes qui permettrait d’avoir une vraie information débarrassée de toutes les pressions qui pèsent actuellement.