Trois questions à … Etienne Costes, directeur associé de Greenwich consulting

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    Le sport tient une place particulièrement importante dans les stratégies visant à gagner des parts de marché et du revenu sur les diffusions de contenu. Ainsi le football est devenu un contenu-clé dans l’offre des grands acteurs médias. Mais la diffusion audiovisuelle pourrait-elle concerner d’autres sports moins médiatiques ? Etienne Costes évoque cette question du sport médiatisé.

    média + : Le sport est devenu un produit d’appel ?

    Etienne Costes : Il faut différencier le sport et le football. Le «France-Portugal» en demi-finale de la coupe du monde a fait 22 millions de téléspectateurs. Sur les 100 meilleures audiences de 2006, 20 matches de foot sont concernés et notamment, les 9 premières places du classement. La télévision hertzienne a plutôt tendance à s’effriter, mais on voit bien que lorsque les contenus sont là, les gens regardent la télévision. On voit bien qu’il est difficile de faire de l’audience sans faire du football. C’est la façon la plus chère mais la plus facile de faire des grosses audiences. Il n’y a pas que la finale de la coupe du monde. C’est aussi un produit d’appel, on l’a vu pour Canal+. Quand on regarde cette opération, les résultats sont assez éloquents. Ils ont investi 600 millions d’euros, ils ont gagné plusieurs centaines de milliers d’abonnés l’année dernière, alors qu’ils étaient en faible croissance depuis quelques années. Ça a vraiment reboosté leurs ventes. Au final, ils ont eu raison d’investir massivement dans le foot. Mais il ne faut pas se tromper et mettre son argent au mauvais endroit. 600 millions sur la ligue 1 française qui n’est quand même pas le meilleur championnat européen. Le pari est risqué, mais gagné.

    média + : Quelle est la situation des autres sports ?

    Etienne Costes : Le sport est un produit très segmenter. Quelques sports seulement ont accès aux télévisions hertziennes. Mais, il y en a pour tous les prix, pour toutes les bourses et pour tous les marchés. Chaque chaîne peut choisir et adapter au mieux son contenu à sa niche de marché. La segmentation des supports est aussi un avantage. Certaines fédérations comme en volley ou en judo sont prêtes à financer la production de leurs événements pour passer sur les grosses chaînes. Mais même comme ça, ces dernières n’en veulent plus. On voit bien que le ski n’est plus sur les chaînes généralistes. Il y a de nouveaux débouchés à trouver. Les fédérations doivent se tourner vers les chaînes thématiques; et vers le Web, voire le mobile, pour les sports confidentiels. Mais dans ce dernier cas, il me semble que la situation est un peu différente : il s’agit-là plus d’une vitrine. Il y aura peut-être un marché avec les quelques milliers de licenciés de lutte gréco-romaine prêts à payer pour en voir. Ce sera possible avec la réduction des coûts de production. Ces fédérations vivent essentiellement sur les licences et le sponsoring. C’est un bon moyen pour elles de créer un «buzz» autour de leur discipline et d’attirer de nouveaux licenciés. La diffusion sur Internet est un moyen pour toucher des niches très précises.

    média + : Pourrait-on s’acheminer vers des ventes de droits non exclusifs?

    Etienne Costes : Je crois que c’est difficilement envisageable dès lors qu’il y a un marché et des clients qui achètent des contenus chers à condition qu’ils soient exclusifs.Cependant, un certain type de contenu ne fait pas l’objet de droits exclusifs: les contenus liés au droit à l’information sont gratuits et donc non exclusifs. Mais j’ai du mal à imaginer de gros diffuseurs qui ne négocient pas l’exclusivité; c’est de cette façon qu’ils obtiennent leurs parts de marché. La valeur d’un droit est liée à son exclusivité. Qu’est-ce qu’on vend quand ce n’est pas exclusif ? Rien. Ou alors quelque chose que tout le monde a déjà : on ne permet pas aux diffuseurs d’attirer des annonceurs puisque les spectateurs y auront accès partout. Les ayants droits (les fédérations) n’ont aucun intérêt à aller dans ce sens.