TV5 Monde en péril? Ses partenaires francophones s’inquiètent

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    Les partenaires francophones de TV5 Monde s’inquiètent de l’avenir de la chaîne en français la plus diffusée dans le monde, redoutant qu’elle ne fasse les frais de la réforme de l’audiovisuel extérieur voulue par le président Nicolas Sarkozy. La France a annoncé vouloir réorganiser son audiovisuel extérieur par un possible rapprochement entre TV5 Monde, la chaîne d’informations en continu France 24, lancée en décembre, et Radio France Internationale (RFI).Interrogée, la direction de TV5 préfère s’abstenir de tout commentaire. Mais ses partenaires hors de l’Hexagone disent craindre que Paris ne donne l’avantage à France 24 (lancée fin 2006 et détenue à parité par les opérateurs français privé TF1 et public France Télévisions) afin de privilégier «la voix de la France». Créée en 1984, diffusée dans 202 pays et revendiquant plus de 25 millions de téléspectateurs par jour, TV5 Monde est la seule télé francophone qui rassemble des chaînes européennes de langue française (France Télévisions, l’INA, Arte France, RFO, la RTBF pour la Belgique et la TSR pour la Suisse), ainsi que le consortium de télévision Radio-Canada et Télé-Québec. La ministre de la Culture et de l’Audiovisuel de la Communauté française de Belgique, Fadila Laanan, a clairement dénoncé les récentes déclarations en France, qui semblent traduire une volonté de transformer TV5 «en un instrument essentiellement au service du rayonnement international de la France». Elle a demandé par lettre des explications au ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner. Le Canada, que ce soit à Ottawa ou au Québec, souligne son attachement à TV5. «On y tient beaucoup, on maintient que c’est un instrument important de la francophonie», assure la ministre québécoise de la Culture Christine St Pierre. Selon elle, le Premier ministre du Québec Jean Charest «suit ce dossier de très près», et l’a évoqué avec M. Sarkozy lors de sa venue en France en juillet. «Je partage à 100% les craintes formulées en Belgique et au Canada. TV5 est un beau projet qui n’a de sens que s’il reste multilatéral», affirme pour sa part Gilles Marchand, directeur de la TSR qui est l’un des administrateurs de TV5 Monde. Mais, pour lui, «ce n’est pas demain matin que TV5 va être engloutie par France 24». Et, prévient-il, «si tel était le cas, ça ne nous intéresserait plus». Les partenaires de TV5 «ont raison de protester mais il faudrait aussi qu’ils s’investissent plus et qu’ils s’en occupent plus», explique le spécialiste des médias Dominique Wolton. La France fournit environ les deux tiers des 90 millions d’euros de budget annuel de TV5 Monde (pour une dotation de 80 millions d’euros à France 24). Les partenaires belge, suisse, canadien et québécois de TV5 contribuent pour une bien moindre part au budget de la chaîne, mais fournissent de nombreux programmes. Une commission pilotée directement par les services de M. Sarkozy, qui a parlé de «réorganisations nécessaires», doit rendre ses propositions début novembre. «Les Britanniques avec BBC World dépensent à peu près la même chose que nous mais ils ont une position dominante», a récemment expliqué Georges-Marc Benamou, conseiller pour la culture et l’audiovisuel du président français. Il a néanmoins assuré qu’il n’était pas question de «fusion totalitaire» entre TV5, France 24 et RFI. «Le scénario de la fusion est rejeté par les télévisions membres et n’est pas souhaité par nous», assure une source au sein de l’Organisation internationale de Francophonie, dont TV5 est partie prenante. Selon elle, «on s’oriente plutôt vers une mise en commun des moyens logistiques».