Alors que le Festival de Cannes bat son plein, interrogeons-nous sur la situation des scénaristes. L’occasion de nous entretenir avec Guilhem COTTET, Délégué général de la Guilde Française des Scénaristes qui représente près de 350 scénaristes travaillant pour le cinéma, la fiction TV et l’animation.
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Comment analysez-vous la situation actuelle des scénaristes dans l’audiovisuel ?
Guilhem COTTET
Entre le secteur audiovisuel et celui du cinéma, les problématiques sont légèrement différentes. Côté 7ème art, un mouvement de fond s’opère actuellement suite à la publication par le CNC du rapport Bonnell en janvier 2014 qui a avancé 50 propositions pour adapter le modèle français de financement du cinéma à l’heure du numérique. C’est une concertation à laquelle les scénaristes participent. Des questions se posent sur ce qui relève de la transparence des recettes et des dépenses. Elles sont scrutées autant par les pouvoirs publics que le grand public. Il y a eu pas mal d’attaques sur le système de financement du cinéma français. Il est donc nécessaire de donner des gages d’adaptation et d’évolution afin que le système fonctionne bien. Il ne doit pas y avoir de déséquilibres majeurs entre les différents acteurs du système qui contribuent tous à la création. Aujourd’hui, tout le monde est un peu mis au pied du mur. Cela a commencé il y a plus d’1 an avec la polémique du producteur Vincent Maraval dans un article du «Monde», dans lequel il soutenait que les acteurs français étaient trop payés. Il a posé de manière abrupte des problématiques sur le fonctionnement du système et les questions de diversités entre films riches et ceux qui le sont moins. Toute une réflexion s’est mise en place. Les discussions vont bon train au CNC. Dorénavant, se pose la question du cachet des acteurs. Tous les partenaires en discutent. Sur la question de la rémunération, les scénaristes peuvent difficilement être accusés de déséquilibrer les budgets des films. La part de l’écriture dans le financement d’un film, en moyenne, tous budgets confondus, demeure autour de 3%, ce qui est faible. A ce jour, nous sommes dans une logique de mise en avant d’indexation du prix du scénario sur le coût du l’œuvre.
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Mettre en place des grilles tarifaires pour les scénaristes, est-ce la bonne solution ?
Guilhem COTTET
Pour ce qui est du cinéma, ce n’est pas à l’ordre du jour. Il faudrait partir sur une idée beaucoup plus simple et beaucoup plus respectueuse de l’économie de l’œuvre, celle de l’indexation sur le budget. Côté audiovisuel, la situation est plus simple parce que le nombre d’acteurs concernés dans la chaîne de création est moins grande. L’évolution des pratiques reste plus facile. La Ministre de la Culture a annoncé lors du FIPA à Biarritz en janvier, son soutien à un projet que nous avions porté. Il a pour but de revaloriser l’écriture sur la phase d’élaboration des projets. La rémunération de l’écriture est en chute constante depuis une quinzaine d’années. A travers le CNC, nous avions pour ambition de trouver des mécanismes permettant d’affecter une part minimale du Cosip des producteurs, au dépend de l’écriture. Autre point à creuser, l’écriture collective sur les séries qui n’est pas du tout encadrée. L’aboutissement de cette réflexion permettra à la série française d’entrer dans la modernité.
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«L’industrialisation des séries», un sujet qui n’a toujours pas évolué ?
Guilhem COTTET
Pour gagner leur vie, les scénaristes sont aujourd’hui obligés de multiplier les projets. Du coup, on ne donne pas les moyens aux scénaristes de se mobiliser en exclusivité sur un projet. C’est un critère fondamental pour entrer dans une véritable ère industrielle.