Gilles FONTAINE, Directeur général adjoint de l’IDATE

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L’IDATE publie la 14ème édition de son «DigiWorld Yearbook», proposant une lecture du monde numérique et une analyse précise de la réorganisation des télécoms, de l’internet et de l’audiovisuel. Rencontre avec Gilles FONTAINE, DGA de l’IDATE pour nous en dire davantage.

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Quelles sont les lignes de force qui marquent l’évolution du secteur audiovisuel en Europe et aux Etats-Unis ?

Gilles FONTAINE

Le marché audiovisuel a assez peu évolué au cours de ces 20 dernières années. Le modèle publicitaire est resté particulièrement classique. Néanmoins, le secteur assiste à l’arrivée de nouveaux acteurs issus de l’internet. Ils amènent un vent d’innovation en matière de consommation vidéo. Je pense à Netflix, mais aussi à tous ces nouveaux terminaux de télévision (tablettes, smartphones) de plus en plus utilisés. Les acteurs de l’Over-The-Top (OTT) tels que Netflix, Google ou Amazon poussent le secteur à se réinventer. Aux Etats-Unis, le secteur audiovisuel continu à croitre (+4%) alors qu’il est caractérisé par un fort défaut de développement, une télévision à péage mature et un marché publicitaire soutenu par des durées d’écoutes importantes. De son côté, le marché européen est en récession à la fois sur la publicité mais aussi sur la télévision à péage. 

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Les Etats-Unis ont-ils 20 ans d’avance sur le modèle audiovisuel européen ?

Gilles FONTAINE

Le secteur audiovisuel américain dispose de plusieurs caractéristiques. C’est un marché unique pouvant toucher plus de 300 millions de personnes. Il est donc difficile de le comparer à tous les marchés nationaux en Europe. Autre différence, les groupes de télévision européens, relativement nationaux, sont essentiellement actifs pays par pays. Difficile donc de comparer l’effet de taille entre les Etats-Unis et l’Europe. Cette distinction a une conséquence directe, celle de la complexité d’amortir des productions originales sur 64 millions de consommateurs potentiels en France contre 300 millions outre-Atlantique.

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La télévision linéaire est-elle menacée ?

Gilles FONTAINE

La télévision linéaire représente plus de 90% du temps passé en télévision et plus de 90% des recettes du système. Mais le modèle va se repositionner et tirer des leçons de l’arrivée de nouveaux services à la demande. La télévision linéaire va donc devenir le support de l’événementiel, du direct, de l’interaction, du sport, des News et tous ces shows valorisés par le live. Pour autant, je ne suis pas certain que les 10.000 chaînes thématiques qui existent en Europe auront les moyens d’appliquer ce repositionnement. Une partie des chaînes thématiques – dont la programmation est axée fondamentalement sur un robinet à programmes de catalogues – risque fort de se voir substituer par des services à la demande aussi bien en Europe qu’en France. Et autour de ce flux linéaire, nous observons un fort usage de la télévision de rattrapage. Les chaînes ont une carte à jouer à condition qu’elles soient capables de bien «packager» leurs offres mêlant linéaire et différé.

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Les télécoms en France sont en pleine mutation. Comment l’analysez-vous ?

Gilles FONTAINE

S’il y a une telle concentration d’opérateurs télécoms, c’est avant tout pour des économies d’échelles. Ce phénomène n’est pas propre à la France. Le degré de concurrence très intense se traduit par une baisse du chiffre d’affaires des opérateurs. Ces derniers s’inscrivent dans un cercle vicieux dans lequel la concurrence leur donne de moins en moins de moyens pour investir dans des produits du futur qui leur permettraient de remonter théoriquement leur prix. Voilà pourquoi ils souhaitent fusionner leurs services.