Cuba/ TV : le «paquete» vient enrichir un morne paysage audiovisuel public

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Personne ne sait d’où il vient, mais tous l’attendent avec impatience : le «paquete», un lot de films, séries télé, sport, jeux et musique, se vend sous le manteau à Cuba où il vient enrichir un morne paysage audiovisuel public. Sevrés d’internet et interdits d’antennes paraboliques, les Cubains ont pris l’habitude de faire circuler clés USB et disques durs. 

Depuis quelques semaines, l’île s’est entichée du «paquete» d’un térabit, en langage informatique, soit environ une centaine d’heures de programmes. Chaque semaine, arrive un nouveau «paquete» que les Cubains, guidés par le bouche à oreille, achètent «à la carte». L’un va prendre les derniers matches de football de la Liga espagnole, un autre les blockbusters d’Hollywood ou les ultimes rebondissements des telenovelas brésiliennes ou sud-coréennes. Le tout pour 1, 2 ou 5 pesos (autant de dollars), selon le volume des programmes téléchargés. 

Face à ce nouveau venu sur la scène médiatique cubaine, les autorités sont jusqu’à présent restées tolérantes. Seul un conseiller spécial du président Raul Castro, l’ancien ministre de la Culture Abel Prieto, est sorti du bois pour dénoncer la «poubelle du paquete», qui recèle selon lui «un culte des Yankees qui nous envahit de manière éhontée».  Lors d’un congrès d’intellectuels mi-avril, Abel Prieto a appelé à «faire concurrence au «paquete», rabaisser le «paquete», déprécier le «paquete», afin que les gens comprennent qu’ils se font berner». Mais il a implicitement exclu de recommander son interdiction. Lors du même congrès, une commission officielle a reconnu qu’avec ces 5 chaînes nationales étatiques, la télévision cubaine «projette une image très éloignée des nécessités culturelles, informatives et de distraction de notre peuple». Maria Teresa, une femme au foyer de 48 ans d’Holguin, à 750 km au sud de La Havane, se rend une fois par semaine chez le distributeur. Pour 0,20 dollar elle sélectionne 4 gigabits de séries TV et de programmes musicaux. «Assez pour toute la semaine», assure-t-elle. «Je regarde peu la télé, la telenovela cubaine est trop mauvaise et la brésilienne ils la tirent trop en longueur, c’est pénible. Alors j’achète mon petit «paquete» pour 5 pesos et je suis contente», affirme Graciela, un infirmière de Las Tunas, à 700 km au sud de la capitale cubaine. «J’espère qu’ils ne vont pas l’interdire, ni le transformer, parce qu’au bout du compte on reste tranquille à la maison et ça ne fait de mal à personne», espère Marcos, un charpentier de 50 ans de La Havane. Pourtant, le «paquete» risque de devenir politique malgré lui. La célèbre blogueuse dissidente Yoani Sanchez a annoncé début avril à Miami, coeur de l’anti-castrisme, qu’elle allait lancer une revue numérique d’opposition. Sa revue, a-t-elle expliqué, sera distribuée via téléphone portable et courriel, ainsi que sur les supports préférés des Cubains: clés USB, disques durs, DVD et CD. «J’espère qu’elle figurera dans les menus du «paquete»», a-t-elle glissé.En réponse, le plus célèbre blogueur pro-régime Yohandry a fait dans l’ironie : «J’ai dit à mes voisins et amis d’acheter le «paquete» de cette semaine, ça pourrait bien être le dernier, parce que tout ce que touche Yoani, elle le pourrit, je peux vous l’assurer».