Hervé RONY, Directeur Général de la Scam

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Hier matin, dans le cadre d’une conférence de presse intitulée «Les auteurs, bientôt tous à poil» organisée par le Conseil Permanent des Ecrivains, média+ s’est entretenu avec Hervé RONY, Directeur général de la Scam. Il revient sur le climat d’inquiétude persistant autour des auteurs.

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La profession d’auteur est-elle aujourd’hui particulièrement fragilisée ?

Hervé RONY

Absolument ! Il y a trois types d’inquiétudes que nous observons. La première est d’ordre économique. Il existe une augmentation inéluctable d’un certain nombre de cotisations sociales liées à la réforme des retraites, à la sécurité sociale et à la protection des auteurs. Cette augmentation des cotisations intervient au moment où la rémunération moyenne des auteurs baisse. Vous avez d’un côté une diminution des tirages des livres et d’autre part, des redevances versées aux auteurs qui sont bien moindres sur le numérique. La deuxièmre inquiétude est au niveau européen avec une remise en question du droit d’auteur. On impose par exemple aux ayant-droits des licences obligatoires les privant ainsi de leur capacité à autoriser ou à interdire leurs œuvres. Enfin, la troisième est liée aux questions qui se sont posées récemment autour de la littérature jeunesse. Plusieurs ouvrages traitant à la fois de l’égalité entre filles et garçons ou de la lutte contre l’homophobie et le racisme, ont été violemment mis en cause par certains hommes politiques ou groupuscules.

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A vos yeux, les pouvoirs publics soutiennent-ils suffisamment les auteurs ? 

Hervé RONY

Cela dépend des sujets. Le gouvernement a pris par exemple le temps de transposer dans le code de la propriété intellectuelle, l’accord sur le contrat d’édition numérique. Néanmoins, le ministère de la culture doit se mobiliser davantage sur les questions de la rémunération des auteurs. Il doit aussi répondre à un certain nombre de questions sur le médiateur du livre. Le ministère des affaires sociales doit quant à lui se pencher sur les questions propres aux réformes sociales du régime des auteurs. Pour l’instant, ces questions ne trouvent pas de réponses. Autre thématique, depuis le 1er janvier 2014, le taux de la TVA applicable aux droits d’auteur est de 10% contre 5,5% auparavant. On ne comprend toujours pas pourquoi la TVA sur les droits d’auteurs ne serait pas à taux réduit comme pratiquement toutes les TVA en matière culturelle. Pour terminer, il y a un certain silence du Président de la République et une faible implication de ce dernier autour de ces questions. Tout cela crée un malaise.

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Quel impact le numérique a-t-il sur les droits d’auteurs et leurs rémunérations?

Hervé RONY

Le numérique dégage des recettes encore relativement marginales. Cela représente 2 à 3% du marché français, contre 20 à 25% aux Etats-Unis. Mais aujourd’hui, nous avons un marché digital en train de se construire sur des rémunérations à la baisse des auteurs. Cela coûte moins cher de mettre en ligne un ouvrage que de le fabriquer. Nous devrions considérer assez logiquement que la rémunération des auteurs sur le numérique aurait tendance à progresser du fait de la diminution à moyen terme d’un certain nombre de charges des éditeurs. Mais ce n’est pas le cas. Pour l’instant, le numérique est dans une phase de gestation. Il faut rapidement prendre les devants.