Deux feuilletons d’un nouveau genre, hybride entre téléréalité et documentaire, ont raflé suffrages et récompenses au Royaume-Uni, mais aussi accumulé les critiques sous prétexte qu’ils brouillent la frontière entre la réalité et la fiction.
Un zeste de «Big Brother», une pincée de telenovela brésilienne, un soupçon de «Friends», secouez fort et vous obtenez la «réalité structurée», dernier concept en vogue, mélangeant téléréalité, fiction et réalité scriptée. Parti des Etats-Unis, ce nouvel objet télévisuel a commencé à se répandre grâce notamment à la chaîne MTV («The Hills», «Jersey Shore»). Au Royaume-Uni, on compte depuis 2010 sa propre production, «The Only Way Is Essex», suivi un an plus tard par son jumeau et rival «Made In Chelsea». Les 2 séries, diffusées respectivement sur ITV2 et E4, font un carton d’audience et ont remporté plusieurs prix prestigieux en montrant le quotidien d’une poignée de jeunes dans leur vingtaine, à l’avenir plus ou moins prometteur. Ce n’est pas de la «réalité scriptée», reconstitution d’histoires vraies jouées par des acteurs. Ce n’est pas non plus de la téléréalité qui réunit des gens ne se connaissant ni d’Eve ni d’Adam dans un lieu parfaitement défini. La «réalité structurée» propose de suivre les aventures de vrais gens, qui se connaissent, se détestent ou s’aiment, dans leur milieu naturel, et vaquent à leurs occupations, qui consistent souvent, en l’occurrence, à faire la fête. Seule petite entorse au réel, leurs pérégrinations dans le monde moderne sont savamment orchestrées par une réalisation qui, pour tromper l’ennui qui guette toujours en pareille occasion, n’hésite pas à épicer les scènes de vie. Parfaitement au courant des traits de caractère et des failles de chacun, les producteurs anticipent ainsi les réactions, provoquent des situations et encouragent les confrontations pour créer un feuilleton sans avoir besoin d’un script. Et il y en a pour tous les goûts, puisque les 2 soap-opéras britanniques proposent des univers diamétralement opposés sur l’échiquier social.
«Made in Chelsea» met en scène les nantis de l’Ouest londonien, beaux gosses dans le vent avec leurs sémillantes copines, tous occupés à nourrir petits flirts et grandes colères entre Kensington, Marrakech, Cannes et Verbier. «The Only Way Is Essex», résumé en «TOWIE», propose, pour sa part, de suivre une bande de copains de l’Essex, cette région à l’Est de Londres souvent moquée pour ses excès de boisson, ses codes vestimentaires d’une vulgarité flamboyante et son amour inconditionnel des cabines de bronzage. Tout les sépare mais les 2 séries sont unies par le même concept, «une combinaison entre réalité et théâtre» comme le définit Ruth Wrigley, co-créatrice de TOWIE, après s’être fait la main sur «Big Brother». Cette génération de jeunes téléspectateurs «n’est pas à se demander tout le temps ce qui est vrai et ce qui ne l’est pas», estime Wrigley, mère de cinq enfants. Elle préfère insister sur des notions comme la proximité, l’immédiateté et l’interactivité qui caractérisent ce nouveau concept si parfaitement compatible avec les réseaux sociaux, sur lesquels les «acteurs» réagissent en temps réel.