Souvent donnée moribonde, la télé-réalité continue pourtant de faire les beaux jours de la télévision en France, ainsi que l’illustre la prochaine diffusion sur TF1 de «Secret Story», et ce genre télévisuel irrigue une bonne partie des images montrées sur le petit écran. «Secret Story», diffusé à partir de samedi 23 juin, se veut un «retour aux sources» de la téléréalité, selon TF1, avec quatorze jeunes gens enfermés dans une maison et soumis à une élimination progressive. «La télé-réalité, la presse l’a enterrée, mais pas les téléspectateurs», remarque Bertrand Villegas, co-dirigeant de The Wit, une société qui étudie les programmes télévisés dans le monde. En France, «Koh Lanta» et «L’Ile de la tentation», dont TF1 s’apprête à diffuser les 7ème et 6ème saisons cet été, continuent de bien fonctionner, remarque-t-il. Mais le sous-groupe qui a le plus de succès dans le monde est celui du concours de talents, dont les caractéristiques sont celles de la téléréalité: des «vrais gens» au centre de l’émission et un vote du public avec élimination des candidats. En France, «Star Academy» (TF1) et «Nouvelle Star» (M6) sont reconduits depuis plus de cinq ans. «Le déclin de la télé-réalité, c’est le monstre du Loch Ness, mais je n’y crois pas du tout», renchérit François Jost, professeur à la Sorbonne Nouvelle et auteur de «L’Empire du loft» (éditions La Dispute) dont une version actualisée vient de paraître. «Il est cependant vrai qu’en France, on a varié les formules beaucoup plus que dans d’autres pays. Nous n’avons pas, par exemple, enchaîné les «Big Brother»», émission qui servait de modèle au «Loft», ajoute l’universitaire. Les grandes chaînes privées (TF1 et M6), diffuseurs de ce genre de programmes, s’adressent à un public familial. Elles ne peuvent se permettre de heurter leur public avec des émissions osées, pour un passage en première partie de soirée, note-t-il. Or «le moteur de la télé-réalité» est de montrer «quelque chose d’inattendu, d’imprévu, de fou, voire d’interdit», souligne le dirigeant de The Wit. «Sinon, il n’y a plus d’attrait, surtout aujourd’hui où l’on peut aller sur internet pour voir justement ce que l’on ne voit pas ailleurs». Outre «Secret Story», TF1 finit de monter un autre programme de ce genre télévisuel. «Bimbos et intellos», adapté d’un format américain «Beauty and the geek», met en compétition plusieurs couples formés chacun d’une beauté sans cervelle et d’un intello aux traits ingrats. «Même si tout ne marche pas» – «Nice People» en 2003 et surtout «Le royaume» en 2006, déprogrammé huit jours après la première émission, ont été des flops retentissants -, la télé-réalité «domine les divertissements et elle triomphe en tant qu’écriture audiovisuelle», estime Bertrand Villegas. «Elle n’est plus simplement une mécanique de jeu, mais elle est aussi un style audiovisuel, qui est devenu celui d’une époque: faire croire à plus de réalité dans la télévision». D’où cette tendance, dans les reportages, les journaux télévisés et les documentaires à montrer de plus en plus les coulisses de l’événement, les à-côtés, voire les séquences ratées. Dans les années 70 et 80, «nous avions une télévision de studio, avec les gens qui se déplaçaient pour venir voir la grande déesse», souligne le dirigeant de The Wit. «Aujourd’hui, c’est la télévision qui se rapproche des gens et ce sont eux qui font le spectacle».