Alors que RTL9 intègre l’offre basique d’Orange à partir du 10 avril, Mediawan Thematics confirme sa montée en puissance dans l’univers des chaînes payantes. Entre stratégie de distribution élargie, ambitions publicitaires accrues et repositionnements éditoriaux, les chaînes du groupe affirment leur singularité sur un marché bousculé par les plateformes. Vincent GRYNBAUM, DG et Sonia LATOUI, DGA de Mediawan Thematics, reviennent pour nous sur cette nouvelle ère, où visibilité, ciblage et contenus thématisés font la force d’un modèle hybride résolument tourné vers l’avenir.
MEDIA +
Les chaînes du groupe Mediawan réunissent plus de 16,8 M de téléspectateurs/ mois. Vous récoltez les fruits d’un travail de fond ?
VINCENT GRYNBAUM
C’est exactement ça. Nous avons donné plus d’ambition à nos chaînes, notamment celles qui ont un vrai levier publicitaire. La performance d’une chaîne est évidemment liée à la qualité de sa programmation. Mais tout ce travail sur la grille serait inutile sans une bonne distribution. Et aujourd’hui, RTL9 franchit un cap en entrant dans l’offre basic d’Orange. On parle de près de 8 millions de foyers supplémentaires : c’est colossal.
MEDIA +
Ce mouvement s’inscrit-il dans une stratégie plus globale de visibilité ?
VINCENT GRYNBAUM
Absolument ! C’est le premier pas d’un enrichissement progressif des offres de base chez les opérateurs. Pendant longtemps, les chaînes thématiques étaient cantonnées aux bouquets payants. Mais avec l’émergence de la SVOD, le marché a évolué. Aujourd’hui, il est logique que l’offre basic des FAI s’élargisse. C’est un vrai argument de différenciation. On a des discussions avancées avec d’autres opérateurs. L’objectif, c’est que notre offre soit accessible à tous les abonnés, quel que soit leur fournisseur d’accès. La box reste un objet central de la consommation télé en France, c’est un modèle unique qui permet une très large exposition.
MEDIA +
Votre stratégie repose-t-elle désormais sur un équilibre entre puissance de diffusion et ciblage éditorial ?
SONIA LATOUI
C’est indispensable. Une marque forte ne peut se développer que si elle est bien distribuée. Et une fois cette visibilité acquise, il faut travailler l’éditorial. C’est ce qu’on fait sur toutes nos chaînes : nous visons une forte satisfaction, une pertinence de l’offre, et des visuels adaptés aux carrousels des box. La qualité du packaging, aujourd’hui, c’est fondamental. On cherche à satisfaire des publics passionnés. Automoto, Manga, Chasse & Pêche… ce sont des chaînes qui parlent directement à des fans. Et plus on est présent tôt dans le plan de service, plus on maximise la découverte.
MEDIA +
La grille évolue-t-elle pour accompagner cette stratégie ?
SONIA LATOUI
Oui, et ça fonctionne. AB1 a connu +47% de progression d’audience en 1 an. On y a renforcé le catch, relancé des séries iconiques en versions remasterisées, modernisé l’habillage et lancé une nouvelle campagne de communication. Même logique sur RTL9 qui reste leader en Prime depuis 8 ans. On va lui chercher des films plus ambitieux en lien avec l’actualité. On assume pleinement notre rôle de «chaîne cinéma populaire». Sur Mangas, on programme les dernières saisons des animes japonais en exclusivité en linéaire. Tout le monde n’a pas Netflix ou Crunchyroll. Il y a des habitudes de consommation fortes qui nous profitent.
MEDIA +
La publicité devient un levier central?
VINCENT GRYNBAUM
Clairement ! C’est un changement de paradigme. La publicité était autrefois marginale dans notre modèle. Aujourd’hui, on veut, à moyen terme, que ça représente 50% de nos revenus. Et pour cela, il faut deux leviers : le volume, évidemment, et le ciblage. Ce ciblage passe par la télévision segmentée – déjà active chez Orange, Bouygues, SFR – et la publicité sur le replay. Le public est désormais habitué à voir des spots avant un programme. Et puis, nos chaînes thématiques sont déjà des environnements naturellement segmentés : si vous annoncez sur Automoto, vous savez que vous touchez les passionnés d’automobile. Notre régie publicitaire, Régis, a réalisé le meilleur chiffre d’affaires de son histoire. Les marques comprennent désormais l’intérêt de nos chaînes.
MEDIA +
Dans un monde dominé par la SVOD, quelle est encore la valeur ajoutée des chaînes thématiques ?SONIA LATOUI
La grille, la marque, la proximité avec l’audience restent des piliers. Les plateformes offrent beaucoup de contenus, mais parfois, on se perd. Nos chaînes sont des repères. On sait ce qu’on y trouve. C’est de la curation. Et on complète ça par des mini-univers à la demande. Chaque chaîne dispose désormais de son espace avec des contenus autour de la thématique, à consommer à tout moment. C’est notre manière d’adresser les nouveaux usages. On a même lancé nos propres services de streaming thématisés.
MEDIA +
Comment se portent vos offres Insomnia, Explore et Kitchen Mania?
VINCENT GRYNBAUM
C’est une vraie fierté. On nous attendait peu sur ce terrain, et pourtant… Nos services sont aujourd’hui repris par tous les grands opérateurs, y compris Canal+. Voir Insomnia dans le pack Séries Cinéma de Canal+, à côté de Netflix, Max ou Paramount+, c’est une reconnaissance. Et on a déjà remporté trois prix à Gérardmer avec nos films diffusés exclusivement sur Insomnia.
SONIA LATOUI
Explore est en train d’être repris par un autre acteur majeur, avant l’été. L’idée était de rajeunir notre offre documentaire et de créer un réceptacle pour des documentaires sociétaux, pop, qui ne rentraient pas toujours dans les grilles linéaires de nos chaînes.
MEDIA +
Quelle place accordez-vous aux plateformes FAST ?
VINCENT GRYNBAUM
C’est un levier complémentaire. Ce sont des chaînes construites à partir de catalogues dormants, qu’on remet en circulation de manière maligne. On a déjà quatre chaînes FAST, mais c’est encore un marché faible en monétisation. Ce n’est pas notre priorité, mais on y est présents. On alimente aussi les plateformes FAST de contenus de catalogue. C’est utile pour amortir les investissements et toucher d’autres publics, même si ça ne remplace pas le linéaire ou la distribution classique.