«Zion», le 1er long-métrage du Guadeloupéen Nelson Foix qui fait salle comble soir après soir aux Antilles

Sitôt les lumières rallumées, les applaudissements fusent dans la salle principale du plus grand cinéma de Guadeloupe, aux Abymes. Depuis sa sortie régionale mi-mars, «Zion», premier long-métrage du Guadeloupéen Nelson Foix, fait salle comble soir après soir. Un succès local fulgurant: «on est proche des 66.000 entrées en près de 15 jours sur seulement sept salles», réparties en Martinique, Guadeloupe et Guyane, se réjouit Axel Shanga Lafleur (Black Moon Films), un des producteurs, quelques jours avant sa sortie nationale le 9 avril. Le film suit l’histoire de Chris, jeune d’une cité de Pointe-à-Pitre. Désoeuvré et habitué du deal, il découvre un matin un bébé devant sa porte, alors qu’il doit effectuer une livraison à haut risque pour un caïd du quartier voisin. «C’est un film qui parle de nous, les jeunes, et de notre entourage, de notre quotidien», constate Djayan Guillaume, lycéen de 17 ans qui vient de voir le film avec quelques amis. Sans fard, «Zion» aborde l’omniprésence des armes, le chômage des jeunes, les coupures d’eau incessantes, la rudesse de certains quartiers de Pointe-à-Pitre, très loin des clichés de carte postale de la Guadeloupe. Tourné entièrement en créole, après un «casting sauvage», il fait apparaître dans les seconds rôles des têtes connues localement pour leurs démêlés judiciaires ou leur appartenance au monde de la trap (un sous-genre du rap), portant haut l’ambiance et l’atmosphère de véracité du film. Mais pas seulement. «Le suspense est bien mené jusqu’au bout» et «ça montre le vrai de la vie des cités de notre archipel, qu’on entend tous les jours dans les faits divers à la radio», soulignent en choeur Catherine Aline et Lakhdar Bouhassoum, deux quinquagénaires, à la sortie d’une séance. «Je crois en l’authenticité du film: les lieux du tournage, le créole qu’on utilise quotidiennement en Guadeloupe et particulièrement dans ces espaces urbains, quand ça monte en tension», souligne Nelson Foix. Pour lui, le succès du film aux Antilles démontre «le besoin de représentations qu’on a sur nos territoires, celui de raconter nos propres histoires, à notre façon et dans notre langue». L’histoire «tire aussi le fil» de «Ti Moun Aw» («Ton enfant», en créole), son court-métrage nommé aux César en 2022 et qui avait remporté de nombreux prix internationaux. On y retrouvait déjà l’idée d’un bébé abandonné et l’acteur principal, Sloan Decombes. Parmi les soutiens de poids, Jamel Debbouze, via sa société «Kiss Kiss», qui co-produit le film aux côtés de «De l’autre côté du périph», dirigée par Laurence Lascary. «La violence du monde de la rue, l’histoire de recherche de paternité sont des thèmes universels», rappellent chacune à leur tour les co-productrices Laurence Lascary et Slievan Harkin, de «Kiss Kiss». Le film a coûté quatre millions d’euros et beaucoup d’efforts pour emmener les partenaires dans une aventure que personne ne regrette. Rapporté à la population des trois territoires (environ un million d’habitants), le succès de «Zion» équivaudrait sur toute la France à plus de quatre millions d’entrées en quinze jours. Laurence Lascary ne se hasarde pas à de tels calculs. «On ne peut pas présager du succès qu’il obtiendra dans les salles hexagonales, mais je n’ai pas arrêté d’expliquer aux distributeurs que ce film serait un blockbuster aux Antilles», assure-t-elle. La sortie anticipée dans la région était «importante», estime Axel Shanga Lafleur, soulignant que le film est tout aussi attendu par la «diaspora» dans l’Hexagone.