Beaucoup l’ignorent ou l’ont oublié, mais elle le dit dans le titre d’un roman qu’elle publie jeudi: Clara Morgane, éphémère actrice pornographique restée célèbre ensuite, est née avec le prénom Emmanuelle. Et il la poursuit. Le livre s’intitule «Ne m’appelez pas Emmanuelle», aux éditions Récamier. Il est sous-titré «roman de développement personnel». Cela fait plus de 20 ans que Clara Morgane a cessé sa carrière dans le X et autant d’années qu’elle ne cesse de se réinventer. Comme présentatrice télé, chanteuse, comédienne au théâtre. À la tête d’un cabaret. Et maintenant comme autrice. «J’estime que je n’ai fait qu’un seul métier. L’expression, sous diverses formes», précise-t-elle. «Ça me va bien, de ne pas être tout à fait là où on m’attend, de toujours surprendre. Déjà me surprendre moi-même, parce que je m’ennuie très vite», ajoute celle qui se définit comme «hyperactive» et «hypersensible». «Ça fait beaucoup d’hyper», plaisante-t-elle. Personne ne l’attendait en littérature, alors qu’en se prénommant Emmanuelle, elle a eu sa jeunesse marquée par la célèbre héroïne du roman érotique de 1959. Dans les années 80, c’est la suite d’adaptations cinématographiques qui est célèbre, après l’immense succès de celle de 1974 avec Sylvia Kristel. Le roman de Clara Morgane, une fiction d’inspiration autobiographique, raconte qu’on l’interpelle dans la cour de récréation au primaire: «Laquelle? Emmanuelle 1, 2, 3?…» «Je ne comprends pas du tout. Ce n’est pas tellement que j’ai honte, c’est que je me sens bête», se souvient Clara Morgane. «Juste après, je vois ce livre dans la bibliothèque de ma grand-mère», poursuit-elle. «Je grimpe sur un tabouret, je vais chercher cette édition», illustrée qui plus est, «et, là, il y a tout ce qui me paraît interdit». «On referme le livre et puis on garde ça comme un secret», se souvient la néo-romancière. Passent les années. Dans son adolescence, ses parents «rigoristes», à Marseille, lui interdisent pratiquement de sortir. Elle entame puis abandonne des études qui l’ennuient. Depuis les milieux naturistes de la station balnéaire du Cap-d’Agde, elle se retrouve à un salon à Paris fin 2000, où un producteur la convainc de jouer dans des films X. Elle ne le fera qu’un an et demi. Ce n’est pas le parcours de l’héroïne de «Ne m’appelez pas Emmanuelle», qui a beaucoup de succès aussi. Grâce à sa plume, en revanche. «Si je n’avais pas fait ce choix de Clara Morgane, j’aurais pu partir dans une carrière d’écriture. Avec ou sans succès, je n’en sais rien, mais j’aurais écrit parce que j’en ai besoin», avance l’autrice. Le X, «pour moi, c’est un épiphénomène. Mais je comprends qu’on s’y réfère sans cesse. Pas de soucis», admet-elle. Le roman narre d’abord une relation d’emprise entre cette romancière et son éditeur, inspirée de celle qu’elle a eue avec une personnalité de la télévision dont elle tait le nom. Il embraye sur le développement personnel, qui permet à l’héroïne de se reconstruire. L’on y découvre une personne adepte de la pensée du psychiatre Carl Jung. Qu’en tire-t-elle? «Je me rends compte aujourd’hui que je ne m’aimais pas assez et que je me suis dit: en me créant complètement un personnage comme Clara Morgane, je vais faire croire aux gens que je m’aime, que je suis plus forte. Je me suis fait briller en m’inventant une carapace. Une persona, comme dirait Carl Jung».