Spectacle vivant en péril : pressions politiques et coupes budgétaires menacent la liberté de création en France 

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Des pressions sur le théâtre de la ville RN Hénin-Beaumont, une polémique dans le milieu catholique toulousain au sujet d’un opéra urbain, des pièces de théâtre pas reprises en tournée : plusieurs acteurs du spectacle vivant s’inquiètent pour la liberté de création et de diffusion. C’est par une double mise en garde que Caroline Verdu, vice-présidente théâtre à Ekhoscènes (entrepreneurs du spectacle vivant privés), a entamé la rentrée le mois dernier: «la liberté de création est un bien précieux que nous devons défendre et qui doit prévaloir à toutes formes de censure». «La censure qui pourrait être imposée à nos artistes en voulant les faire taire par la haine et la menace, ou la censure tout aussi insidieuse qui consisterait à réduire la visibilité de certains spectacles jugés polémiques», soulignait-elle lors d’une rencontre professionnelle. Et il y a depuis des motifs d’inquiétude. A Hénin-Beaumont, ville dirigée depuis 2014 par le Rassemblement national, comédiens et techniciens qui devaient se produire au théâtre de L’Escapade sont en grève pour protester contre ce qu’ils estiment être des «ingérences» dans ce lieu de culture indépendant. Ils redoutent que la gestion du théâtre ne tombe dans le giron de la municipalité, depuis la signature en janvier d’une nouvelle convention entre la mairie et l’association du théâtre – sans l’aval du directeur (lequel est en arrêt maladie) – prévoyant cette possibilité, avec préavis de deux mois. Nicolas Dubourg, du Syndéac (syndicat d’entrepreneurs), craint une «mise au pas insidieuse», dit-il. Laquelle lui rappelle «la stratégie de la dirigeante d’extrême-droite Giorgia Meloni en Italie» consistant à placer ses proches à la tête d’institutions culturelles. A Toulouse, une autre polémique a surgi: il est question de l’opéra urbain «La Porte des ténèbres», qui doit voir trois géants d’acier et de bois parcourir la ville fin octobre: «Astérion» le Minotaure, sa demi-soeur «Ariane» et une troisième créature, mi-femme à cornes de bouc, mi-scorpion à pattes de crabe. Sans s’opposer frontalement à la tenue de ce spectacle de rue, l’archevêque de la ville Guy de Kerimel a promis toutefois, mercredi, une messe spéciale, destinée à «protège(r) (…) Toulouse (…) de ces menaces ténébreuses». «Surpris», le directeur artistique François Delarozière défend «une histoire qui parle d’amour, de mort, de vie». «On n’a pas le droit de censurer ou d’interdire», prévient-il. 

Coupes budgétaires : S’ajoute une liste, égrenée dans la presse ces dernières semaines, de plusieurs pièces n’ayant pas ou peu été reprises en tournée en province pour la saison 2024-2025. «Passeport», d’Alexis Michalik, qui évoque l’immigration sous un angle favorable, a essuyé le refus de sept villes (sur une tournée de 50 dates), indique Camille Torre, tourneur (Acmé, société de production de théâtre privé). «Que des refus» aussi pour +Prima Facie+ (qui aborde le thème du viol), ajoute-t-il. David Roussel, codirecteur du Théâtre des Béliers parisiens et du Théâtre des Béliers à Avignon, déplore que cinq dates de tournée seulement soient prévues en 2025 pour «Je m’appelle Asher Lev», histoire d’un jeune peintre orthodoxe juif qui s’émancipe de son milieu, pourtant succès dans ses deux établissements. «Ca ne parle pas du tout du conflit israélo-palestinien», rappelle-t-il, soulignant que les refus émanent «de villes de gauche comme de droite». L’explication ? «Des élus locaux qui craignent de proposer à leurs administrés un sujet trop clivant», selon lui.