«Paris Match» change de propriétaire et passe aux mains du milliardaire Bernard Arnault

149

Le poids des mots, le choc des photos et une vente à 120 millions d’euros: «Paris Match» change de propriétaire mardi et passe aux mains du milliardaire Bernard Arnault, quittant ainsi le giron du magnat conservateur Vincent Bolloré. Cette date du 1er octobre marque la finalisation de la vente du célèbre magazine à LVMH, géant du luxe dirigé par M. Arnault. Elle avait été annoncée à la surprise générale en février par le groupe Lagardère. Ce dernier a été avalé fin 2023 par Vivendi, groupe de Vincent Bolloré, accusé d’ingérences dans la ligne éditoriale de l’hebdomadaire à plusieurs reprises ces dernières années. La vente de Match est «un peu un crève-coeur», mais «c’est une offre qui ne peut pas ne pas se regarder», avait commenté en avril Arnaud Lagardère, PDG de l’entreprise qui porte son nom. A 75 ans, ce titre emblématique du photojournalisme, dont le slogan a longtemps été «le poids des mots, le choc des photos», mêle grands reportages de guerre et immersion dans l’intimité des stars et des politiques. Il s’écoule toujours à plus de 440.000 exemplaires chaque semaine. Sa cession participe à la stratégie de désendettement de Lagardère, tout en scellant l’entente entre Vincent Bolloré et Bernard Arnault, qui le convoitait de longue date. ««Paris Match» sera géré à part du groupe Les Échos-Le Parisien», a seulement indiqué le PDG de ce dernier, Pierre Louette, en septembre au «Figaro». Il «bénéficiera d’une entité juridique différente et d’une véritable autonomie, tout en bénéficiant du soutien de notre régie et de la diffusion». Il y a une «envie de refaire le «Paris Match» de la grande époque» et «donc de réembaucher» après les nombreux départs survenus ces dernières années, rapporte un journaliste de l’hebdomadaire souhaitant rester anonyme. Mais «on n’a pas encore de stratégie éditoriale énoncée très clairement». La rédaction a d’ailleurs été conviée à une réunion mardi. Dirigée par Jérôme Béglé et située au siège parisien de Lagardère News comme celle du «Journal du Dimanche» (JDD) ou d’Europe 1, la rédaction de «Paris Match» déménagera en 2025 «dans de nouveaux locaux dans Paris», selon un message interne. Bientôt finie, donc, la «cantoche avec Pascal Praud», figure de CNews et d’Europe 1, ironise le journaliste interrogé. Selon lui, «c’est plutôt une libération pour la rédaction» de quitter la sphère des médias Bolloré, régulièrement accusés par la gauche de promouvoir des idées d’extrême droite. Et de citer la multiplication ces «trois-quatre derniers mois» de unes consacrées à la religion catholique chère au milliardaire, en dehors de «l’ADN de «Paris Match»». L’édition du 19 septembre était ainsi dédiée à une communauté de soeurs porteuses d’une trisomie et celle du 14 août à la Vierge Marie. Paroxysme des secousses traversées par le magazine, sa société des journalistes (SDJ), garante du respect des règles déontologiques, s’est sabordée en début d’année. A l’été 2022, elle s’était indignée d’une une consacrée au cardinal ultra-conservateur Robert Sarah, puis du licenciement du rédacteur en chef politique et économie de «Paris Match» Bruno Jeudy, remplacé par la figure de CNews Laurence Ferrari. Cette dernière préside désormais les marques «JDD» et «JDNews», nouvel hebdomadaire d’actualité lancé en septembre. Moins redouté que Vincent Bolloré, Bernard Arnault fait aussi l’objet de critiques concernant son rapport à la liberté de la presse. Selon la publication spécialisée «La Lettre», le milliardaire a notamment formulé aux cadres de LVMH une «interdiction absolue de parler» à sept médias, une liste noire contre laquelle ont protesté lundi une quarantaine de rédactions. «On fera comme les autres font avec leurs grands industriels» patrons de presse, relativise le journaliste de «Paris Match».