Accolé au centre de maintenance de la SNCF à Saint-Pierre-des-Corps, en périphérie de Tours, un petit bâtiment anonyme abrite une vingtaine de statisticiens dont la mission est à la fois simple et ambitieuse: anticiper les pannes de train grâce à l’intelligence artificielle. La SNCF appelle cela la «maintenance prédictive». Grâce à des milliers de capteurs placés sur chaque rame, une masse colossale de données est transmise tous les jours à la petite équipe d’ingénieurs pour éclairer sur le comportement du train. A Saint-Pierre-des Corps, le technicentre s’occupe de la maintenance d’une bonne partie des trains de la région parisienne (RER et Transilien) ainsi que de TER de différentes régions. «Notre boulot est de traiter des données colossales et d’en sortir une information pertinente», explique Audrey Nze-Eyoun, ingénieure du cluster ingénierie ouest (CIO) de la SNCF. Cette ingénieure supervise une série bien précise de trains déployés en en France, les Regio 2N, dont 500 rames sont en circulation et équipent des lignes TER, Transilien ou le RER D en région parisienne. Chaque rame de ces trains, qui va fêter ses 10 ans d’existence en octobre, transmet 7.000 codes tous les jours à l’équipe de Saint-Pierre-des-Corps. Température dans les écrans d’information voyageurs, performance des systèmes de climatisation, taille de l’écartement des portes à l’ouverture… Une masse colossale de données, qui concernent tous les composants du train, sont transmises chaque minute pour détecter et anticiper la moindre défaillance. Devant l’écran géant qui compile et met en forme ces données dans son bureau, Audrey Nze-Eyoun peut par exemple voir en temps réel la position d’une rame sur le réseau ainsi que le nombre de personnes à bord, pourcentage de marge d’erreur compris. Des graphiques et tableaux sibyllins pour l’oeil profane transmettent divers signalements, qu’il faut ensuite décrypter. Grâce à ce travail de prédiction et d’anticipation, «on évite les pannes et on réduit les coûts de maintenance», avance Guillaume Branger, responsable ingénierie télédiagnostic à Saint-Pierre-des-Corps. «Par exemple on peut dire à un conducteur «ta porte a un défaut, mais tu peux continuer à rouler trois jours car ce n’est pas trop grave». Et on sait qu’on a du temps pour prévenir le technicentre, commander la pièce qu’il faut, etc.», poursuit-il. Ainsi les rames passent en maintenance quand c’est nécessaire et plus forcément à intervalle régulier, avec le risque d’une intervention trop tardive ou au contraire inutile car prématurée. «Sur une flotte de trains parisiens, on a globalement 30% de disponibilité (de rames) en plus» grâce au travail mis en place depuis 2017 à Saint-Pierre-des-Corps, souligne M. Branger. Le PDG de la SNCF Jean-Pierre Farandou a même fixé un objectif ambitieux: «zéro panne technique» d’ici une décennie, grâce au recours à l’intelligence artificielle. Reste que seuls les trains récents sont équipés de capteurs permettant ce type de maintenance. Les TGV en circulation en ont beaucoup moins, et seulement installés par la SNCF après leur fabrication. Mais l’arrivée des TGV M nouvelle génération à partir de 2025 devrait permettre d’étendre ce programme à la grande vitesse. Le 4 septembre, le patron du groupe ferroviaire a participé à la cérémonie de lancement d’une chaire d’enseignement et de recherche à l’Ecole polytechnique intitulée «IA et optimisation pour les mobilités», soutenue par la SNCF. Le groupe et son PDG croient beaucoup dans l’intelligence artificielle pour la maintenance prédictive, mais pas seulement. Optimiser les plannings de travaux, améliorer la prédiction des retards ou donner des consignes de conduite aux conducteurs pour limiter la consommation font partie des axes que la SNCF souhaite améliorer grâce à l’IA. Les consignes de conduite ont par exemple permis d’économiser 7% à 12% d’électricité, d’après la SNCF.