La justice de l’UE a définitivement donné raison mardi à la Commission européenne contre les géants américains de la tech Apple et Google dans deux dossiers judiciaires au long cours et aux lourds enjeux financiers. «C’est une grande victoire pour les citoyens européens» mais aussi «une victoire pour des règles du jeu équitables et pour la justice fiscale», s’est réjouie la commissaire à la Concurrence, Margrethe Vestager, très émue, lors d’une conférence de presse à Bruxelles. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), tribunal de dernière instance, a décidé qu’Apple devrait rembourser 13 milliards d’euros d’arriérés fiscaux à l’Irlande pour avoir bénéficié d’avantages fiscaux indus, assimilés à une aide d’Etat illégale. Dans un arrêt séparé, la Cour basée à Luxembourg a confirmé une amende de 2,4 milliards contre Google pour pratiques anticoncurrentielles sur le marché des comparateurs de prix. L’affaire Apple remonte à 2016 quand Bruxelles avait ordonné au fabricant des célèbres iPhone de rembourser 13 milliards d’euros à l’Irlande. La somme correspond aux bénéfices tirés d’un traitement fiscal favorable octroyé à l’entreprise de 2003 à 2014, dans ce pays où Apple avait rapatrié l’ensemble de ses revenus engrangés en Europe (ainsi qu’en Afrique, au Moyen-Orient et en Inde). Pour la Commission européenne, la filiale irlandaise d’Apple avait réglé un taux d’imposition effectif dérisoire sur ses bénéfices européens «allant de 1% en 2003 à 0,005% en 2014». Mais, en 2020 en 1ère instance, le Tribunal de l’UE avait annulé en 2020 la décision de l’exécutif européen, une claque retentissante alors infligée à Mme Vestager. La Commission avait formé un pourvoi auprès de la CJUE. Nouveau coup de théâtre en novembre 2023: dans un avis non contraignant, mais généralement suivi par les juges, l’avocat général Giovanni Pitruzzella avait remis en cause la victoire d’Apple. Il avait proposé aux juges d’annuler l’arrêt et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal de l’UE «afin que celui-ci se prononce à nouveau sur le fond». La Cour n’a cependant pas suivi cet avis. Elle «statue définitivement sur le litige et confirme la décision de la Commission européenne de 2016 : l’Irlande a accordé à Apple une aide illégale que cet État est tenu de récupérer», a-t-elle expliqué. Apple a toujours affirmé qu’il n’avait bénéficié d’aucun traitement de faveur. «Nos revenus étaient déjà soumis à l’impôt aux États-Unis», a réagi le groupe. «Cette affaire n’a jamais porté sur le montant des impôts que nous payons, mais sur le gouvernement auquel nous sommes tenus de les payer. Nous payons toujours tous les impôts dont nous sommes redevables». Dans l’affaire Google, les juges ont confirmé une amende de 2,4 milliards d’euros infligée en 2017 au groupe pour abus de position dominante sur le marché des recherches en ligne. Il s’agit de la 2ème plus lourde sanction financière jamais imposée par l’UE dans un dossier antitrust. La Cour estime que Google a bien «abusé de sa position dominante en favorisant son propre service de comparaison de produits. «Nous sommes déçus par la décision de la Cour. Nous avons apporté des modifications en 2017 pour nous conformer à la décision de la Commission européenne», a réagi le champion des moteurs de recherche. Google est accusé d’avoir favorisé son comparateur de prix Google Shopping en rendant ses concurrents pratiquement invisibles pour les consommateurs. Il a été contraint de modifier l’affichage de ses résultats de recherches afin de se conformer aux exigences européennes. Saisi par le géant californien, le Tribunal de l’UE avait donné raison à la Commission, dans un 1er jugement prononcé en novembre 2021. Mais Google avait formé un nouveau pourvoi, réclamant l’annulation de l’amende. Ce dossier est l’un des gros contentieux ouverts par Bruxelles à l’encontre de Google qui détient le record des deux plus grosses amendes jamais infligées par l’exécutif européen pour pratiques anticoncurrentielles.
Celle de 2,4 milliards visant Google Shopping représentait un montant record à l’époque où elle a été prononcée. Elle a été dépassée en 2018 par une autre de 4,3 milliards sanctionnant un abus de position dominante du système d’exploitation Android pour téléphones mobiles. Au total, Google s’est vu infliger plus de 8 milliards d’euros d’amendes pour diverses entorses à la concurrence. Le groupe est aussi dans le collimateur des autorités de régulation aux Etats-Unis. Il affronte depuis lundi son deuxième grand procès en moins d’un an face au gouvernement américain qui l’accuse d’étouffer la concurrence dans la publicité en ligne.