Samsung Electronics : un syndicat appelle à la toute 1ère grève de l’histoire

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Une organisation représentant des dizaines de milliers de travailleurs de Samsung Electronics a appelé mercredi à la toute première grève de l’histoire du mastodonte sud-coréen de l’électronique, longtemps allergique aux syndicats. «Nous ne pouvons plus supporter les persécutions contre les syndicats. Nous déclarons une grève face à la négligence de l’entreprise à l’égard des travailleurs», a déclaré lors d’une conférence de presse le Syndicat national de Samsung Electronics. «Nous avons essayé de résoudre le problème par le dialogue», a déclaré le syndicat, qui représente environ 20% de la main-d’oeuvre du groupe, soit environ 28.000 personnes. Il a également accusé la direction d’«ingérence de l’entreprise dans la lutte pacifique que nous avons menée jusqu’à présent». Samsung Electronics est le navire amiral du géant Samsung Group, de loin le plus important des «chaebol» (conglomérats familiaux) qui dominent la 4ème économie d’Asie. La direction et les syndicats mènent depuis janvier des négociations sur les salaires, sans parvenir à surmonter leurs divergences. Selon le président du syndicat, Son Woo-mok, les travailleurs ont accepté l’augmentation de salaire proposée par l’entreprise, mais demandent encore un jour férié supplémentaire ainsi qu’un «système transparent de mesure de la prime de performance basée sur le bénéfice des ventes». Un responsable de l’entreprise a déclaré que «Samsung poursuivra le dialogue avec le syndicat comme il l’a fait jusqu’à présent». Cette grève sera la toute 1ère de l’histoire du groupe, un des plus gros fabricants mondiaux de smartphones et l’un des rares producteurs de mémoires à forte valeur ajoutée utilisées pour l’IA générative. Pendant presque toute son histoire, le groupe Samsung, fondé en 1938, a empêché ses salariés de se syndiquer, en employant parfois des méthodes brutales, dénoncent ses détracteurs. Le fondateur du conglomérat, Lee Byung-chul, décédé en 1987, avait juré qu’il n’autoriserait jamais les syndicats dans son entreprise «jusqu’à ce que j’aie de la terre sur les yeux». Selon des documents internes datant de 2012 et révélés par un député sud-coréen, les cadres de Samsung avaient reçu l’ordre de contrôler le «personnel problématique» cherchant à se syndiquer. «Pour éviter les plaintes pour pratiques de travail injustes, il convient de licencier les principaux organisateurs avant qu’ils ne lancent un syndicat», pouvait-on lire, parmi d’autres recommandations. Mais en 2019, des employés ont profité de la controverse autour du procès pour corruption du vice-président de l’entreprise Lee Jae-yong, le petit-fils du fondateur, et du fait qu’un ancien avocat de gauche spécialiste des droits humains, Moon Jae-in, était président de la Corée du Sud, pour créer le premier syndicat chez Samsung. «Le fait que 20% des travailleurs se mettent en grève aura un impact considérable sur l’ensemble de l’entreprise, en particulier à un moment où elle doit agir rapidement dans le secteur en constante évolution des semi-conducteurs», estime Kim Dae-jong, professeur d’économie à l’Université Sejong. «Contrairement à Hyundai Motor, qui fait face à des grèves presque chaque année, la direction de Samsung va avoir du mal à contrôler cette situation car elle n’a jamais eu à faire face à une grève auparavant», prédit-il. Le syndicat a fait savoir que, dans un 1er temps, il ne ferait grève qu’une seule journée, le 7 juin, et que les grévistes utiliseraient leurs congés annuels à cette fin. «Cela pourrait déboucher sur une grève générale», a toutefois averti un porte-parole du syndicat. Il s’agit de «la première grève que connaîtra l’entreprise et nous pensons qu’elle est significative», a-t-il souligné. Ce mouvement social inédit survient alors que Samsung Electronics a quasiment multiplié par dix son bénéfice d’exploitation au 1T 2024, grâce à de solides ventes de ces produits avancés destinés à l’IA.

Les fabricants de puces sud-coréens, Samsung en tête, ont enregistré des bénéfices records ces dernières années avec la montée en flèche des prix de leurs produits. Le ralentissement de l’économie mondiale a par la suite porté un coup aux ventes de semi-conducteurs, mais celles-ci devraient connaître cette année un rebond de 11,8%, selon l’observatoire du secteur World Semiconductor Trade Statistics.