L. PAOLACCI (FLASHS) : «L’intelligence artificielle n’enthousiasme que 14% des Français»

364

À l’heure où ChatGPT et, plus globalement, l’intelligence artificielle sont au cœur des débats, l’IFOP a mené une étude à la demande du site Learnthings.fr et de l’agence spécialisée en data FLASHS. Le moins que l’on puisse en dire, c’est que les IA ne suscitent pas l’engouement dans la population : seuls 14% des Français interrogées se disent enthousiasmées. Détails avec LÉA PAOLACCI, Directrice d’étude chez FLASHS en charge d’un rapport sur la perception de l’intelligence artificielle auprès des Français.

Comment l’opinion publique envers l’intelligence artificielle a-t-elle évolué ?

Au cours des cinquante dernières années, la proportion de Français estimant que des machines pourront un jour agir comme des humains a doublé, passant de 32% en 1972 à 64% aujourd’hui. Les progrès technologiques accumulés et l’avènement récent de l’intelligence artificielle rendent un tel scénario désormais plausible pour près des deux tiers de nos concitoyens. En revanche, 9 Français sur 10 disent ne pas souhaiter qu’une évolution de ce type puisse se produire un jour. Ce chiffre n’est pas si étonnant. En revanche, l’IA prend beaucoup de place dans la vie des humains. En cinq ans, la proportion de celles et ceux en ayant fait usage dans le cadre professionnel a presque doublé, passant de 14% en 2019 à 22% aujourd’hui. Il est particulièrement intéressant de constater que plus de la moitié des salariés (55%) ayant utilisé les services proposés par l’IA l’ont fait sans en informer leur hiérarchie. Automatiser des taches rébarbatives au quotidien via des outils comme ChatGPT, c’est la clé de son succès.

Existe-t-il des différences d’attitudes entre générations ?

L’intelligence artificielle inquiète plus de la moitié des Français, en particulier dans les franches de la population les plus âgées. La proportion de personnes préoccupées passe de 31% chez les 18-29 ans à 54% chez les 40-49 ans pour atteindre 59% chez les plus de 60 ans. La vraie question se pose pour les générations futures qui naissent dans un monde où l’IA sera ultra présente.

Les femmes se montrent plus inquiètes que les hommes vis-à-vis de l’IA. Pourquoi ?

Nous n’avons pas de réponses formelles à cette question. Mais il est vrai que l’appréhension est différente en fonction du genre des personnes interrogées : l’IA inquiète plus de la moitié des femmes (55%) contre 46% des hommes.

Quels sont les principaux facteurs d’inquiétude vis-à-vis de l’IA ?

Le potentiel de ces technologies à remplacer les humains dans certaines tâches ou professions génère une anxiété. De fait, 51% de la population est inquiète vis-à-vis de l’IA, 35% est indifférente et 14% enthousiaste. 37% des Français estimaient en 1972 exercer un métier d’avenir. Cinquante ans plus tard, ce chiffre a été divisé par trois puisque seulement 13% des personnes interrogées ont ce sentiment aujourd’hui. Pour 4 salariés sur 10, l’intelligence artificielle sera, à plus ou moins long terme, capable d’effectuer à leur place l’essentiel des tâches qu’ils réalisent actuellement dans le cadre professionnel. Et pour 27% des répondants, ce transfert pourrait même s’opérer dans les dix prochaines années, 5% l’envisageant à une échéance plus lointaine d’au moins vingt ans.

Quelles sont les implications éthiques, sociales et politiques sur le déploiement de l’IA ?

L’intelligence artificielle sera mise en œuvre là où elle sera jugée nécessaire. Toutefois, malgré la tendance à pousser l’innovation toujours plus loin du point de vue éthique, il arrivera un moment où il sera crucial de réévaluer et de se demander si certaines limites ont été franchies. Lorsque l’IA interfère avec des aspects humains, une vigilance accrue est nécessaire. Par exemple, en médecine, l’utilisation de bras robotiques assistés par IA qui aident les chirurgiens à réduire les tremblements et à augmenter la précision lors des microchirurgies est considérée comme révolutionnaire. Cependant, la perspective de laisser une machine réaliser une opération chirurgicale de manière autonome soulève des questions tout à fait différentes.

C’est ce qui explique la divergence d’opinion entre les jeunes adultes et les personnes plus âgées concernant la possibilité que l’IA adopte un comportement humain…

C’est exact ! Les individus de plus de 60 ans qui ont participé à l’enquête ont été témoins de l’évolution des téléphones et des ordinateurs. Pour eux, l’émergence de robots capables de mener des conversations et de fournir des réponses instantanées peut sembler révolutionnaire. Cette avancée technologique soulève naturellement des questions et peut susciter un sentiment de nostalgie. Il n’est pas rare d’entendre des opinions telles que «c’était mieux avant» ou «c’était plus simple», reflétant une certaine réticence ou appréhension face à la rapidité du progrès technologique et à son impact sur la société.

Quelles sont les attentes des Français concernant l’impact de l’IA en entreprise ?

Les conclusions de l’étude révèlent que les entreprises ne semblent pas considérer l’IA comme une priorité. Et ce, bien qu’une portion minoritaire mais croissante de personnes (22%) utilise l’intelligence artificielle au travail, souvent sans en informer leurs supérieurs. A ce jour, seulement 10% des employés ont bénéficié d’une formation en IA jusqu’à présent. De plus, les avantages potentiels de l’IA sont de plus en plus remis en question. Ses effets négatifs potentiels, comme les conséquences sur l’emploi et l’accroissement des inégalités, suscitent l’inquiétude chez plus de 60% des personnes interrogées.