L’autorité américaine de la concurrence (FTC) a annoncé jeudi avoir lancé une enquête sur les «investissements et partenariats dans l’intelligence artificielle (IA) générative», visant les entreprises leaders du secteur, à commencer par OpenAI et son principal investisseur Microsoft, ainsi que Google, Amazon et Anthropic. L’essor de l’IA générative depuis un an grâce au succès de ChatGPT (OpenAI) entraîne une course effrénée au développement et déploiement des programmes informatiques capables de produire textes, sons et images sur simple requête en langage courant. «L’histoire montre que les nouvelles technologies peuvent créer de nouveaux marchés et une concurrence saine», a noté Lina Khan, la présidente de la FTC, citée dans un communiqué. Mais «nous devons nous prémunir contre les tactiques qui verrouillent cette opportunité», a-t-elle ajouté. L’investigation va porter sur trois partenariats valant chacun plusieurs milliards de dollars: les investissements de Microsoft dans la start-up californienne OpenAI, ceux d’Amazon dans Anthropic, concurrente directe d’OpenAI, et ceux de Google, aussi chez Anthropic. Elle doit permettre de mettre à jour diverses informations, sur la stratégie des groupes, les conséquences pour la sortie de nouveaux produits, l’impact sur les parts de marché et sur la concurrence pour les ressources nécessaires au développement de ces systèmes gourmands en puces électroniques de dernière génération. Les sociétés concernées ont 45 jours à réception de la requête officielle pour y répondre. Elles n’ont pas réagi dans l’immédiat. «Notre étude permettra de déterminer si les investissements et les partenariats poursuivis par les entreprises dominantes risquent de fausser l’innovation et de nuire à la concurrence loyale», résume Lina Khan. Google a longtemps été considéré comme le leader de l’intelligence artificielle, mais l’irruption d’OpenAI a bousculé le géant d’internet. Encouragé par le succès instantané de ChatGPT fin 2022, Microsoft a mis les bouchées doubles, injectant de nouveaux fonds chez son allié et déployant des outils d’IA générative dans son moteur de recherche Bing et ses logiciels de bureautique. OpenAI a reçu environ 13 milliards de dollars du fabricant de Windows depuis sa création en 2015. Fin septembre, Amazon a de son côté annoncé jusqu’à 4 milliards de dollars d’investissement dans Anthropic. Cette start-up de la Silicon Valley, qui a bâti sa réputation sur une approche moins téméraire qu’OpenAI, bénéficie aussi de fonds conséquents de Google. Pour de nombreux experts du secteur comme Dan Ives, analyste de Wedbush, l’IA générative constitue la «plus grande révolution technologique des 30 dernières années». Mais elle suscite aussi de nombreuses inquiétudes sur les risques d’utilisation à mauvais escient, de la fraude à la désinformation en passant par le vol de propriété intellectuelle. En termes de droit de la concurrence, d’autres régulateurs ont déjà donné l’alarme. La Commission européenne a ainsi indiqué ce mois-ci qu’elle vérifiait «si l’investissement de Microsoft dans OpenAI», pouvait «faire l’objet d’un examen au titre du règlement de l’UE sur les concentrations». «L’intelligence artificielle a le potentiel de devenir le musée des horreurs de l’antitrust si on ne fait rien», a déclaré fin novembre Benoît Coeuré, le président de l’Autorité française de la concurrence. «Normalement, les innovations de rupture, c’est bon pour la concurrence. Mais là, il y a un risque de capture par des acteurs qui sont déjà très dominants», a-t-il affirmé lors du Forum de l’Alliance Digitale.