Au pôle national de la lutte contre la haine en ligne (PNLH), «pas un mois» ne se passe sans une «opération massive» d’interpellations pour cyberharcèlement, expliquait son chef Grégory Weill, dans un entretien, fin octobre. Un dossier illustrant ce problème est d’actualité à partir de lundi, avec l’ouverture du procès à Paris de 13 personnes soupçonnées d’avoir participé au cyberharcèlement massif de Magali Berdah, patronne d’une agence d’influenceurs. Dans cette procédure hors-norme, 15 autres personnes comparaîtront mi-décembre puis fin janvier dans deux autres procès. Depuis sa création en janvier 2021, le PNLH, une division spécialisée du parquet de Paris, s’est occupé de 1.680 dossiers : contestation de crime contre l’humanité, apologie du terrorisme, diffamation et injure publique… et harcèlement en ligne. «Nous nous saisissons notamment des dossiers de cyberharcèlement massif, où il faut coordonner des opérations sur l’ensemble du territoire», détaille le magistrat. Ces vagues d’arrestations «visibles» ont un «effet dissuasif». «C’est une vision assez coercitive, agir permet de faire reculer le harcèlement». En octobre, 11 militants «antivax» ont comparu pour avoir harcelé, pendant la pandémie de Covid-19, deux parlementaires et un médecin. A la barre, un quadragénaire travaillant dans la sécurité avait assuré ne pas avoir voulu «nuire» personnellement aux victimes, mais «ouvrir le débat». Une fin peut-elle justifier de tels moyens ? «On se tient à l’écart de ces questions», balaie M. Weill. «Nous, on doit faire respecter la loi, sinon, c’est comme les expéditions punitives ou les lynchages, où les personnes veulent se faire justice elles-mêmes». Les auteurs, généralement inconnus de la justice, se montrent «surpris» quand ils sont arrêtés, parfois pour seulement «un message». Depuis 2018, le délit de harcèlement en ligne peut être constitué dès lors que plusieurs personnes s’en prenant à une même victime savent que leurs propos ou comportements caractérisent une répétition, sans que chacune de ces personnes ait agi de façon répétée ou concertée. Ces internautes «n’ont souvent pas conscience de la puissance des outils qu’ils utilisent», jusqu’»au procès, où ils réalisent que la victime est réelle», note M. Weill. «Il est impossible d’anticiper quand et comment le cyberharcèlement démarre, ni au préjudice de qui», insiste M. Weill. «On a majoritairement affaire à des meutes spontanées». Pour réagir rapidement à une haine 2.0 qui déferle des quatre coins du pays, les huit magistrats du parquet – chargés également d’autres affaires comme celles relatives au droit de la presse -, les quatre greffiers et les deux juristes assistants sont épaulés d’un policier en détachement. Grâce à lui, le PNLH est «capable de résoudre seul» des affaires, se félicite M. Weill. Nombres de ces dossiers sont transmis aux parquets compétents, qui procèdent aux suites judiciaires – c’est toujours le cas pour les mineurs mis en cause. Le PNLH garde les affaires «les plus complexes» ou qui ont eu «un impact sur l’ordre public», notamment les très médiatiques. Et les confie à des services enquêteurs. Leur élucidation repose notamment sur la collaboration des plateformes. Si elle était difficile auparavant, la création du PNLH a permis de meilleurs échanges avec ces dernières, qui généralement fournissent «des réponses de qualité dans des délais satisfaisants», constate M. Weill. Le pôle se heurte toutefois à des difficultés (auteurs à l’étranger, anonymisés…), et des victimes accusent des plateformes d’être complices. Mais «pour définir la complicité, il faut la preuve que la plateforme aurait autorisé un contenu en connaissance de cause du résultat», rappelle M. Weill. En revanche, «une plateforme peut être poursuivie» parce qu’elle n’aurait pas retiré un contenu manifestement illicite.