Face à des contextes économiques incertains, les Européens semblent privilégier la prudence financière. Selon une étude récente réalisée par Spliiit, service qui permet de partager des abonnements et d’en diviser les coûts entre utilisateurs, 84% des Européens envisagent de réduire ou de supprimer certains de leurs abonnements culturels. Une telle tendance pourrait bouleverser le paysage des industries culturelles, allant des services de streaming aux adhésions de musées. Rencontre avec Guillaume LOCHARD, Co-fondateur de Spliiit.
Quelles sont les principales conclusions de votre étude européenne sur les abonnements en 2023 ?
84% des Européens envisagent de mettre fin à certains de leurs abonnements loisirs en raison de l’augmentation des coûts. C’est le chiffre à retenir ! 73% jugent que les prix des abonnements sont chers. Le pouvoir d’achat des Européens étant limité, ils sont devenus sélectifs quant aux abonnements qu’ils choisissent. Quelques chiffres : 70% écoutent de la musique en streaming plus de 5 fois par semaine tandis que 51% regardent du contenu sur les plateformes SVOD plus de 5 fois par semaine.
Avec l’augmentation du prix des abonnements (SVOD, VOD…), votre société, Spliiit en bénéficie-t-elle ?
L’augmentation des tarifs des abonnements semble avoir un impact direct sur notre activité. Chaque hausse de tarif provoque un mécontentement parmi les utilisateurs de ces services, conduisant certains à envisager le désabonnement. C’est dans ce contexte que notre service, Spliiit, apparaît comme une solution alternative pour bon nombre d’utilisateurs. On observe d’ailleurs des pics d’activité sur notre site dès lors qu’un service annonce une hausse de tarifs. Soulignons aussi que l’offre d’abonnements continue de croître. Chez Spliiit, par exemple, le nombre de services que l’on propose est passé de 70 à plus de 220 en quatre ans, avec l’ajout de plus de 50 nouveaux services rien que l’année dernière.
Comment le modèle économique des abonnements de loisirs évolue-t-il en Europe ?
Lorsque nous avons démarré notre activité, la vidéo à la demande (SVOD) dominait, représentant 55% de notre activité. Cependant, les choses ont changé : aujourd’hui, les abonnements musicaux ont gagné en popularité pour atteindre près d’un tiers de notre activité, tandis que la SVOD a diminué pour se situer autour de 40%. D’autres catégories d’abonnements, comme la presse, les jeux vidéo, le stockage cloud et les logiciels professionnels, montrent également un potentiel de croissance. Récemment, nous observons un intérêt croissant pour les abonnements dits utilitaires, utilisés par les gens pour étudier ou travailler.
Le modèle économique des abonnements de loisirs est-il menacé par l’augmentation des prix ?
Bien que les produits et services offerts soient de plus en plus diversifiés, ciblés et enrichis, leurs tarifs augmentent. D’autre part, le pouvoir d’achat de la population n’évolue pas au même rythme. Cette dynamique crée une tension : les consommateurs se retrouvent contraints de faire des choix et de prioriser certaines dépenses au détriment d’autres. Ainsi, même si l’offre est alléchante et variée, le coût croissant des abonnements pourrait limiter leur adoption ou inciter les consommateurs à réduire le nombre de leurs souscriptions.
Depuis 4 ans avec Spliiit, vous révolutionnez la gestion des abonnements digitaux. Le but est-il vraiment d’en faire bénéficier les consommateurs ?
Notre vision est de démocratiser l’accès aux abonnements digitaux en rendant leur coût plus abordable et en promouvant le partage d’abonnements. Nous avons pris exemple sur le succès du covoiturage en France, notamment grâce à des plateformes comme BlaBlaCar, et avons adapté cette idée au monde des abonnements digitaux. Aujourd’hui, cela n’a pas de sens d’avoir des abonnements «4 places» et de les utiliser pour soi ou pour deux personnes. Grâce à cette approche, tout le monde y trouve son compte. Les consommateurs bénéficient d’un accès à des tarifs réduits, et les éditeurs parviennent à monétiser des utilisateurs qui n’auraient peut-être jamais souscrit à leur service de manière légale. Notre solution combat également le piratage. Un tiers de nos clients a admis qu’en l’absence de Spliiit, ils se seraient tournés vers des méthodes illégales pour accéder aux services.
Quand les utilisateurs menacent de se désabonner à un service, les opérateurs sont-ils inquiets ?
Oui, c’est une inquiétude pour tout le monde. Depuis de nombreuses années, le taux de résiliation est un indicateur clé pour ces opérateurs car il peut influencer leur rentabilité. Il est largement reconnu que les coûts associés à l’acquisition d’un nouveau client sont souvent bien supérieurs à ceux liés à la fidélisation d’un client existant. Pour rappel, plus de 8 Européens sur 10 déclarent que l’augmentation des prix les contraint à renoncer à certains de leurs abonnements. Pour les mêmes raisons, 39% des Français n’envisagent pas de souscrire un nouvel abonnement d’ici à la fin de l’année.
Combien les Français sont-ils prêts à payer pour un abonnement mensuel ?
Cela varie en fonction de leur profil et de leurs préférences. En général, ils dépensent entre 10 et 20€ par mois pour leurs abonnements liés aux loisirs. 21% des Français consacrent un budget mensuel de 20 à 30 € pour leurs abonnements tandis que 24% dépensent plus de 30 € par mois. Concernant la musique en streaming, elle est devenue une habitude tellement ancrée, surtout pour la version sans publicité et en illimité, que même une augmentation significative des tarifs n’entraînerait probablement pas de résiliations massives. Cependant, en ce qui concerne la télévision, la donne est différente. Face à une augmentation des coûts, de nombreux Français seraient prêts à faire des sacrifices et à se passer de certains services.
Vous comptez vous étendre en Europe dans les trois prochaines années ?
On l’espère ! À l’heure actuelle, nous sommes opérationnels dans 18 pays européens, avec une présence marquée en Espagne, France, Italie, Belgique, Portugal, et dans une moindre mesure en Allemagne. Notre objectif est d’élargir nos services à d’autres pays et d’offrir la possibilité de paiement en devises locales pour ceux qui n’utilisent pas l’euro. La culture du partage est profondément enracinée en Europe. Auparavant, les gens partageaient des objets physiques tels que des livres ou des CD. Aujourd’hui, cette tradition de partage s’est adaptée à l’ère numérique, et les gens ont tendance à partager leurs abonnements avec leurs proches. Nous voulons capitaliser sur cette tendance et la faciliter pour un public encore plus large à travers l’Europe.