L’Assemblée a largement approuvé mardi en première lecture le projet de loi de régulation de l’espace numérique (SREN), qui promet de mieux lutter contre le cyberharcèlement, les arnaques sur internet, ou encore l’accessibilité des sites pornographiques aux mineurs. Le texte avait suscité de fortes inquiétudes quant à la protection des libertés publiques, du côté du RN, de LFI mais aussi de certains parlementaires de la majorité. Au terme des débats, le gouvernement a reçu le soutien de LR, du PS, de la plupart des élus LIOT, et a bénéficié de l’abstention du RN, d’EELV et du PCF. Le texte a été voté par 360 voix contre 77, essentiellement celles de LFI. Il avait déjà été approuvé à l’unanimité au Sénat le 5 juillet. La commission mixte paritaire au cours de laquelle sénateurs et députés tenteront de s’accorder sur une version commune pourrait se tenir en décembre. «L’essentiel a été préservé pour nous», a salué mardi le député PS Hervé Saulignac, saluant «la volonté de dialogue» du ministre délégué chargé du numérique, Jean-Noël Barrot. Le député RN Aurélien Lopez-Liguori s’est montré plus sévère dans ses explications de vote, estimant que le texte initial était «honteux sur le plan des libertés publiques, honteux sur le plan de la défense de notre souveraineté numérique». Mais il s’est félicité des «victoires décisives» obtenues par le RN. Seule la France insoumise est restée arrimée à une opposition résolue, estimant par la voix de la députée Ségolène Amiot que le gouvernement installait «les outils pratiques d’un contrôle social de masse». LFI devrait saisir le Conseil constitutionnel après l’adoption en CMP. Les débats ont donné lieu durant deux semaines à des échanges techniques et passionnés, devant une assistance souvent clairsemée. Le rapporteur général Paul Midy (Renaissance), qui avait saisi l’occasion de ce texte pour porter des amendements visant à faire reculer l’anonymat sur internet, a finalement battu en retraite, face à l’opposition du gouvernement et d’une bonne partie des députés. Si l’Assemblée a approuvé l’idée de donner accès à une «identité numérique» à tous les Français qui le souhaitent d’ici 2027, les internautes ne seront pas obligés d’en être détenteurs pour ouvrir un compte sur les réseaux sociaux, comme souhaitaient l’imposer M. Midy et «près de 200 députés» de la majorité. – Sous surveillance – Les initiatives du gouvernement sont sous surveillance de la commission européenne, qui a mis en garde mi-août la France sur la conformité au droit communautaire de deux initiatives législatives récentes, celle concernant les influenceurs et celle visant à instaurer une majorité numérique. Les députés ont aussi écarté une autre mesure, visant à imposer des amendes forfaitaires pour «injures et diffamations publiques racistes» ou «sexistes» dans «l’espace numérique». Prenant appui sur les règlements européens sur les services numériques et les marchés numériques (DSA et DMA), le projet de loi SREN a pour «fil rouge» la «protection des citoyens, des enfants et des entreprises», avait expliqué M. Barrot en ouvrant les débats. Il donne notamment la possibilité à une autorité administrative de bloquer les sites pornographiques n’empêchant pas les mineurs d’accéder à leur contenu; il donne des devoirs de modération aux grandes plateformes de réseaux, sous peine de sanctions pécuniaires; il crée une «peine de bannissement des réseaux sociaux» pour les cyberharceleurs, y compris pour des «provocations» à commettre certains délits. Le texte propose aussi de réglementer le «cloud» pour permettre davantage de concurrence parmi les fournisseurs d’infrastructure et de services informatiques, ou d’encadrer le lancement à titre expérimental de «Jeux à objets numériques monétisables» (Jonum), à la frontière entre jeux vidéo et jeux d’argent.