Guerre Israël-Hamas: Telegram vecteur de propagande sans la moindre modération

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En cas d’attaque, c’est sans doute sur la messagerie Telegram que l’armée israélienne et le Hamas annonceront leurs actions, comme ils l’ont fait depuis le 7 octobre. Avec des vidéos parfois insoutenables, sans la moindre modération. Comme en Syrie, comme en Ukraine, cet outil d’inspiration libertarienne, mi-messagerie mi-réseau social, qui échappe à toute modération des Etats, est devenu le canal de communication favori des deux camps. D’abord connu comme l’appli favorite de Daech, il est maintenant adopté par des institutions et politiques de tous bords, jusqu’à l’Elysée. Des dissidents l’utilisent pour échapper aux autorités. Et des criminels pour leurs trafics. En dix ans, la messagerie créée par les frères russes Pavel et Nikolaï Dourov, des opposants à Vladimir Poutine qui ont fui la Russie, a conquis ceux qui craignent les intrusions. Ses atouts: un chiffrement réputé sûr, un anonymat complet et l’engagement des dirigeants de ne jamais dévoiler d’informations sur ses utilisateurs. Fort de plus de 700 millions d’utilisateurs actifs, les messages diffusés à des groupes qui peuvent compter jusqu’à 200.000 abonnés sont consultables par tous. Gratuitement. Basée à Dubaï, Telegram s’est mise à l’abri des règles de modération des Etats, à l’heure où l’UE comme les Etats-Unis font pression sur les grandes plateformes pour qu’elles retirent les contenus illégaux. Les frères Dourov et leurs quelques dizaines de collaborateurs ne se montrent quasiment jamais en public. Les autorités qui leur réclament des retraits de contenus s’y cassent les dents. Au point que, fin 2022, l’ex-députée française Laëtitia Avia (majorité présidentielle) et l’avocate Rachel-Flore Pardo appelaient publiquement à «mettre fin à l’impunité de Telegram». Y pullulent des contenus haineux, néonazis, pédophiles, complotistes et terroristes. L’Unesco révélait à l’été 2022 que la moitié des contenus liés à la Shoah sur Telegram sont négationnistes. On peut y voir les pires vidéos du conflit israélo-palestinien, dont des images d’assassinats ou d’otages postées par le Hamas, mouvement banni des grandes plateformes comme Twitter. Israéliens et Palestiniens ont aussitôt compris son rôle-clé de 1ère source d’informations brutes. «Des centaines de milliers de personnes s’inscrivent sur Telegram depuis Israël et depuis les Territoires palestiniens», a écrit Pavel Dourov sur son blog le 8 octobre. «Une grande partie des vidéos les plus choquantes proviennent d’abord de Telegram, puis font leur chemin sur des plateformes grand public. Les organisations terroristes l’utilisent à fond. On y voit beaucoup d’images de drones», souligne l’expert français en réseaux sociaux Tristan Mendès France. «On choisit Telegram pour son côté confidentiel. On ne peut pas y chercher un mot-clé, il faut connaître l’existence des boucles que l’on cherche ou y être invité. C’est un outil communautaire pour initiés», souligne-t-il. Les criminels délaissent même le darkweb pour s’y retrouver, explique Julien Métayer, expert en Osint (recherche d’informations en source ouverte). «D’anciens forums du darkweb ont basculé sur Telegram. Accessibles sur invitation, ce sont devenus de mini-sites internet où on échange énormément de fichiers. Il y mettent aux enchères des données volées, on peut même y commander un tueur à gage», ajoute le spécialiste français. Jusqu’ici, Telegram semblait imperméable à la modération des contenus violents, se contentant de supprimer des messages jugés contestables selon ses propres critères. Elle avait ainsi bloqué des comptes antivax qui appelaient à agresser des médecins, mais se targue de ne pas tenir compte des «restrictions locales de la liberté d’expression», précise son blog. Le 13 octobre, Pavel Dourov a notamment défendu le maintien de comptes du Hamas.