La juge au procès fédéral de l’ex-président américain Donald Trump, poursuivi pour ses tentatives d’inverser les résultats de l’élection de 2020, lui a interdit lundi tout commentaire public visant les procureurs, le personnel du tribunal, et les témoins. Le favori des primaires républicaines se voit désormais interdire de traiter le procureur spécial Jack Smith de «cinglé» et ses collègues de «voyous» mais pourra continuer à se déchaîner contre son successeur démocrate Joe Biden, systématiquement affublé du sobriquet de «crapule». «Quelque chose de terrible est arrivé à la démocratie aujourd’hui», a aussitôt réagi sur les réseaux sociaux Donald Trump, qui a annoncé son intention de faire appel, criant une fois encore à la «chasse aux sorcières». Au terme d’une audience de plus de deux heures devant un tribunal de Washington, la juge Tanya Chutkan a fait droit en partie à une demande du procureur spécial. La candidature de l’accusé à la présidentielle de 2024 «ne lui donne pas carte blanche pour vilipender des fonctionnaires qui font simplement leur travail», a déclaré la juge. «Cela ne serait permis à aucun autre prévenu et je ne le permettrai pas dans cette affaire», a déclaré Mme Chutkan, annonçant que sa décision écrite, visant aussi bien l’accusation que la défense, serait publiée plus tard dans la journée. Lors des débats, elle a divisé les cibles de la vindicte de Donald Trump en cinq catégories. La juge a rejeté la requête des procureurs pour les deux premières, la capitale fédérale et sa population, ainsi que l’administration Biden, y compris son ministère de la Justice, surnommé par M. Trump «ministère de l’Injustice», les estimant suffisamment protégées par les règles déjà en vigueur. Elle a en revanche considéré comme nécessaire d’accorder une protection supplémentaire aux trois autres catégories: les procureurs, les juges et employés du tribunal, et les témoins potentiels. Il sera ainsi permis à Donald Trump de s’en prendre à son ancien vice-président Mike Pence sur le plan politique, mais pas sur son statut de potentiel témoin dans ce dossier. La magistrate a mentionné le procès au civil du milliardaire à New York pour fraude sur la valeur de ses actifs immobilier, lors duquel il a attaqué personnellement une greffière du tribunal. Elle a cité à plusieurs reprises les virulentes critiques publiées par l’accusé sur les réseaux sociaux, à son encontre ou envers Washington et ses habitants, parmi lesquels seront sélectionnés les futurs jurés du procès. Elle a entendu tour à tour les deux parties pour déterminer quel type de commentaire elle devait autoriser ou prohiber. Elle a sans surprise écarté une nouvelle fois les demandes de la défense de report du procès, qui doit débuter le 4 mars 2024. «Ce procès ne se soumettra pas au calendrier électoral», a-t-elle affirmé. «Une solution simple serait d’avoir ce procès après l’élection pour régler le problème», a argué John Lauro, l’avocat de Donald Trump. «L’administration Biden tente de censurer un opposant politique en pleine campagne», a-t-il réaffirmé. Pour l’accusation, la procureure Molly Gaston a souligné le risque de voir «le procès se tenir sur la place publique plutôt que devant ce tribunal» et d’une «pollution du jury avant qu’il ne soit constitué». La juge Chutkan a rejeté en septembre une demande des avocats de l’ancien président de se récuser, réaffirmant son impartialité. En campagne pour reprendre la Maison Blanche, Donald Trump attribue ses déboires judiciaires à l’administration de Joe Biden, qu’il pourrait retrouver sur sa route en 2024 pour une revanche sur l’élection de 2020.