Comment se positionne Gaumont sur le secteur de la VOD et de la SVOD ? Quels sont les défis inhérents à ce secteur très concurrentiel ? Cette question, nous l’avons posée à Maxime GRUMAN, Directeur Vidéo & VOD chez Gaumont / GaumontClassique.fr. Entretien.
Que représente l’activité VOD chez Gaumont ?
Notre activité se concentre à la fois sur notre plateforme GaumontClassique.fr mais aussi sur la distribution de tout notre catalogue : films de patrimoine et films récemment sortis en salles sur les plateformes de VOD et SVOD.
Depuis son lancement en mai 2022, quel premier bilan dressez-vous de GaumontClassique.fr ?
Nous avons réussi à nous distinguer des autres plateformes en nous spécialisant dans la diffusion de films de patrimoine. Bien que diverses offres soient consacrées au cinéma patrimonial, nous sommes l’unique plateforme dédiée exclusivement aux films en noir et blanc. En analysant notre catalogue, nous avons identifié un manque de visibilité de ces œuvres sur les chaînes de télévision. Hors format physique, nos films étaient difficilement accessibles au large public, d’où la nécessité de les rendre disponibles via GaumontClassique.fr. Depuis notre lancement, le nombre de mois d’abonnements que nous avons vendus s’élève à près de 20 000. En outre, plus d’un tiers de nos abonnés actuels se sont engagés pour une période d’un an.
De quel volume de films disposez-vous ?
Lors du lancement, la plateforme comptait 200 films, et à ce jour, ce nombre s’élève à 334. Nous adoptons une approche d’ajout progressif sans retirer les films déjà en ligne. Parallèlement, nous avons ajouté des contenus éditoriaux supplémentaires, avec 87 heures de compléments soit 212 modules. Plus globalement, Gaumont possède un catalogue de 1.300 films. Parmi eux, 500 à 600 sont en noir et blanc, sans prendre en compte notre patrimoine de films muets et de courts métrages.
Les classiques du cinéma ont une valeur intemporelle. Comment GaumontClassique.fr compte-t-il tirer parti de cet avantage pour attirer une nouvelle génération de spectateurs ?
Pour favoriser la prise d’abonnement, GaumontClassique.fr est accessible partout : via notre site web, des applications, sur les téléviseurs connectés, Amazon Channels, et plus encore. En matière d’OTT, notre audience n’est pas aussi jeune que nous l’avions initialement anticipé. La majorité de nos spectateurs sont âgés de plus de 45 ans. Il y a encore une marge de progression pour attirer les 20-35 ans. On essaie d’activer des leviers marketing essentiellement sur les réseaux sociaux. Cette année, nous avons établi un partenariat avec SensCritique pour atteindre l’audience que nous visons.
Lancer une plateforme SVOD avec vos films les plus récents, vous y pensez ?
Non, pas pour l’instant ! Toutes les plateformes SVOD mondiales (Disney+, Netflix, Prime Video, Paramount+) viennent nous solliciter au quotidien pour programmer nos films les plus récents et emblématiques. Nous n’avons pas la nécessité d’effectuer ce travail nous-même. De plus, nous avons des partenariats avec des acteurs français tels que FilmoTV, LaCinetek et UniverCiné. En ce qui concerne tous nos films en noir et blanc sur Gaumont Classique, ces derniers sont proposés en non-exclusivité. Nous sommes donc totalement ouverts à l’idée que d’autres plateformes ou chaînes de télévision les diffusent.
Quel est votre objectif ? Renforcer encore plus votre présence sur le marché de VOD ?
Notre objectif principal est de valoriser et de préserver le patrimoine cinématographique de Gaumont. Avec plus de 500 œuvres restaurées de notre catalogue, nous sommes fiers de notre travail. En effet, plus des deux tiers de notre catalogue sont actuellement disponibles en HD, et certains titres sont même en UHD. Cependant, il y a encore des films dans notre catalogue qui n’ont pas été restaurés, soit en raison de l’absence de matériel adéquat, soit en raison de difficultés juridiques dans le renouvellement des droits des auteurs. Renforcer notre présence sur le marché de la VOD est une conséquence naturelle de notre mission de préservation et de mise à disposition de ces œuvres de qualité à un public plus large.
Comment évoluent vos partenariats stratégiques avec les plateformes ?
Nos partenariats stratégiques avec les plateformes évoluent sur la base de packages de films pour des durées déterminées, souvent pour des périodes de 6 mois ou 1 an. Durant ces négociations, l’ouverture des droits est un élément clé. Ensuite, la durée des droits peut varier selon la stratégie éditoriale de la plateforme, les montants qu’ils sont disposés à investir, et s’ils recherchent ou non une exclusivité pour certains titres.
Comment voyez-vous se dessiner l’avenir du marché de la VOD ? Avec plus de 300 plateformes de SVOD actuellement actives en France, il est probable que des rapprochements aient lieu. Il est peu imaginable que tous ces acteurs coexistent à long terme, notamment parce que certains d’entre elles ont des offres très spécialisées. Alors que certaines plateformes proposent des contenus complémentaires (ou de niche), d’autres se concentrent sur des offres hyper pointues. Comme les prix des abonnements des grandes plateformes mondiales continuent d’augmenter, une sélection naturelle devrait se produire. Les consommateurs auront du mal à justifier financièrement de conserver des abonnements à 6 ou 7 plateformes différentes. De plus, il y a une tendance croissante à la «picoration» des contenus : les gens s’abonnent à une plateforme pour un mois ou deux, puis se désabonnent et passent à une autre, selon leurs intérêts à un moment donné. En fin de compte, la clé sera d’offrir un contenu de qualité et unique, à un prix raisonnable, tout en répondant aux besoins et aux désirs changeants des consommateurs.