Curiosité, découverte, sensibilisation et divertissement sont les maîtres-mots de la saison jeunesse de France Télévisions. Au programme, de nouvelles incarnations pour renforcer les liens avec les jeunes publics, mais aussi une diversité appuyée dans l’animation pour des valeurs communes à Okoo et Lumni. Objectif : aider à comprendre le monde et créer des passerelles entre divertissement et pédagogie. Tour d’horizon de la stratégie avec Pierre SIRACUSA, Directeur des Jeunes Publics, de l’Éducation et de l’Animation à France Télévisions.
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Qu’est-ce qui vous a poussé à réincarner les programmes jeunesse de France Télévisions ?
PIERRE SIRACUSA
Ces deux dernières années, il y a eu une réforme structurelle qui nous a amenés à marier l’unité jeunesse à la direction de l’éducation. Il y a une vertu à associer les enjeux d’apprentissage aux jeux des enfants. Cela nous a amené à considérer que l’incarnation était un sujet urgent. Nous avons eu la joie de conserver France 4, une chaîne dédiée à la jeunesse. Une offre linéaire à la télévision est indispensable pour offrir ce que les enfants attendent. C’est une vitrine idéale pour amener les plus jeunes sur la plateforme Okoo (pour retrouver leurs héros préférés) et sur Lumni (pour y consulter des déclinaisons plus didactiques liées aux programmes que l’on diffuse à l’antenne). Pour souligner la possibilité d’approfondissement, l’incarnation renforce le lien que nous voulons développer avec notre spectateur.
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Depuis le «Club Dorothée» (TF1) ou «Zapping Zone» (Disney Channel), l’incarnation avait disparu de la TV…
PIERRE SIRACUSA
C’est exact ! Sur les chaînes traditionnelles, le «Club Dorothée» avait sonné le glas des programmes d’accompagnement. Ce n’était pas un constat propre à la France, il n’y en avait plus nulle part. On a réfléchi sur ce que pourrait être le programme d’accueil 2.0. A ce jour, on est très content de ce que nous mettons en place avec «Okoo-koo» (Morgane Production) et ses quatre grands frères et sœurs qui parlent aux enfants et les écoutent. On a le sentiment d’avoir trouvé un décor qui donne envie. Nous voulons établir un dialogue entre nos programmes et notre audience. Dans la même dynamique, nous lançons «Les Extra Curieux» (Kiosco TV/Medicis), adaptation d’un format ludo-éducatif australien qui répond à tous les «pourquoi» qui surgissent spontanément chez les plus jeunes : pourquoi le ciel est bleu ? Pourquoi les chats ronronnent ? … Ce programme de 40X11’ met en scène des enfants qui cherchent la réponse. La deuxième vertu est d’associer à chaque épisode une déclinaison sur Lumni qui approfondit le sujet.
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Avez-vous déjà pensé à fusionner les plateformes Okoo et Lumni qui s’adressent au même public ?
PIERRE SIRACUSA
Lumni n’est pas la propriété de France Télévisions. La plateforme a de nombreux partenaires et des extensions comme celle des contenus à destination des enseignants gérés par l’INA. Il y a aussi tout un champ où Lumni parle aux lycéens et étudiants à l’université. Lumni a cette vertu d’être résolument dans le champ didactique pour répondre à des besoins très individuels tandis que Okoo a vocation à fédérer avec une extension sur le numérique. De ce point de vue, les plateformes méritent deux espaces différents.
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Plus globalement, les offres de SVOD sont-elles satisfaisantes pour le jeune public ?
PIERRE SIRACUSA
Non, je ne le pense pas. La plupart des plateformes sont obligées de s’appuyer sur les chaînes linéaires pour réussir à lancer leurs nouveautés. Leur plus gros succès jeunesse dépend de programmes ayant déjà fait leur preuve sur les chaînes traditionnelles. De plus, il faut savoir que l’enfant a un esprit tout aussi conservateur dans sa consommation de contenus qu’un grand. Nous avons le devoir – en tant que service public – d’ouvrir le champ des possibles en multipliant les modèles, les univers et les champs de représentation. Le récit participe de la structuration de nos enfants. Si nous voulons nourrir l’imaginaire et multiplier les modèles de représentation avec de la diversité et de l’inclusion, le support linéaire est indispensable.
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Comment capter les pré-ados ?
PIERRE SIRACUSA
Les 10-12 ans cherchent à sortir de l’imaginaire pour se confronter au réel dans le monde des adultes. A cet égard, il y a une propension à renoncer au dessin animé dès l’entrée au collège pour se porter entre autres vers le manga ou la fiction. C’est un schéma assez traditionnel. Cette érosion de la consommation du dessin animé a tendance à arriver dès le CM1. Le développement du numérique a amplifié cet effet. Par conséquent, les diffuseurs privés ont renoncé à intéresser les plus de 8 ans à l’animation, ce qui n’est pas notre cas. En parallèle, nous avons une offre de fiction pré-ado qui rencontre de vrais succès. «ASKIP, le collège se la raconte» (Amsto/Capa Drama) est un exemple éclatant d’une série qui en est à sa 5ème saison et qui a construit son succès sur le numérique, sans l’aide d’une exposition linéaire.
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Creuser le sillon du manga à la française, est-ce envisagé ?
PIERRE SIRACUSA
Oui, ça l’est. Nous avons plusieurs sujets en réflexion autour du manga. L’offre Slash devrait d’abord s’en emparer pour toucher des cibles plus âgées que celles de Okoo (L’animé «Lastman Heroes arrive fin octobre dans l’offre Slash, ndlr). En attendant, nos piliers sur le cartoon sont toujours très solides : «Grizzly», «Ninjago», «Angelo la débrouille», «Oscar et Malika», «Les as de la jungle»… Le sujet est de proposer de nouveaux rendez-vous pour faire découvrir la création française au service de la compréhension du monde.
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Quelle est la politique de la case jeunesse du matin sur France 3 ?
PIERRE SIRACUSA
Pour réintéresser les parents à ce que consomment leurs enfants, nous devons leur offrir des programmes familiaux et parfois vintage. C’est ce que nous faisons en programmant des marques cultes comme «Tom Sawyer», «Inspecteur Gadget» ou «Mr Magoo». La démarche est appréciée des parents.
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Et décliner des émissions en version junior ?
PIERRE SIRACUSA
C’est un axe que l’on développe depuis un certain temps. Objectif : donner plus de place au réel pour rigoler. Les déclinaisons de «Fort Boyard», «La cuisine de Willy», «Slaïme», aux vacances de la Toussaint «Willymaton», répondent à des enjeux industriels en profitant des équipes déjà en place. Dans cette dynamique, la version junior de «La carte aux trésors» arrive comme une évidence. Deux pilotes vont être tournés. On a aussi dans nos tiroirs d’autres formats originaux.