Un tapis rouge mais deux ambiances: le Festival de Cannes faisiat mercredi le grand écart en accueillant le dissident russe Kirill Serebrennikov et la star hollywoodienne Tom Cruise, pour sa 1ère journée de compétition, placée sous le signe de l’alliance du politique et du glamour. Pour la première fois, l’enfant terrible du cinéma russe Kirill Serebrennikov, 52 ans, connu pour ses créations audacieuses et son soutien aux personnes LGBT+, a foulé le tapis rouge et ouvert la compétition avec «La femme de Tchaïkovski». En présentant ce film au premier jour de la compétition, après une intervention à distance mardi soir du président ukrainien Zelensky, le festival entend envoyer un signal fort contre le régime russe. A cela s’ajoute la programmation de plusieurs films ukrainiens ou évoquant le sort du pays, dont «Marioupol 2» du Lituanien Mantas Kvedaravicius, tué début avril en Ukraine. Le rendez-vous mondial du cinéma refuse d’accueillir «des représentants officiels russes, des instances gouvernementales ou des journalistes représentant la ligne officielle» russe, mais s’est toujours dit prêt à accueillir les voix dissidentes, à commencer par Kirill Serebrennikov. C’est la 2ème année de suite que le réalisateur de «Leto» brigue une Palme d’or. Assigné à résidence à Moscou, il avait l’an dernier présenté à distance son long-métrage «La fièvre de Petrov». Ses acteurs avaient arboré des badges à ses initiales. Dans le palais des festivals, le fauteuil frappé de son nom était resté vide, comme en 2017 lors de la présentation de «Leto». Aujourd’hui installé à Berlin, il expliquait fin avril avoir quitté Moscou «pour une question de conscience», même s’il refuse le terme de dissident. En lice pour la Palme d’or, son film revient sur le bref et désastreux mariage du compositeur de génie Piotr Ilitch Tchaïkovski, qui était homosexuel. Mardi, le président du jury Vincent Lindon a estimé, lors de la conférence de presse, qu’il faudrait «faire attention à être digne, respectueux (…) rien que par hommage pour ceux qui ont des jours beaucoup plus compliqués que les nôtres», en Ukraine notamment. Un soutien qui s’inscrit dans la tradition politique du festival, qui fête cette année sa 75e édition. Comme en 1968, en plein mouvement de contestation, où le Festival avait été interrompu par François Truffaut ou encore Jean-Luc Godard. Ou en 2010 lorsque Thierry Frémaux et le Festival de Cannes ont témoigné de leur soutien au réalisateur Jafar Panahi, en l’invitant comme membre du jury alors qu’il était emprisonné en Iran. Quelques heures plus tard, les appareils photos ont chauffé pour une autre montée des marches, celle de Tom Cruise qui présentait en fin de journée «Top Gun: Maverick», 36 ans après le premier opus. Une arrivée sur le tapis cannois spectaculaire: la Patrouille de France, que Tom Cruise a rencontré mardi, a survolé la montée des marches. «Il a inspiré une génération de pilotes», a tweeté la patrouille acrobatique officielle de l’Armée de l’air française, qui a posé avec la star hollywoodienne. Très attendu sur la Croisette, l’acteur-producteur de 59 ans, habitué des superproductions et grand amateur de cascades, n’a jamais endossé de cape de super-héros en 40 ans de carrière mais est pourtant sommé de se muer en sauveur du cinéma alors que les salles tardent à retrouver leur niveau de remplissage d’avant la crise sanitaire mondiale. Avec son passage sur le tapis rouge, le Festival poursuit, là encore, sa tradition, revendiquée, de glamour, avec une montée des marches qui a toujours vu défiler stars du cinéma et égéries de mode.