Vincent Bolloré, le milliardaire à la parole publique rare, passait mercredi sur le gril d’une commission parlementaire très attendue sur la concentration des médias, mais l’homme fort de Vivendi, qui s’apprête à racheter Lagardère, a la maîtrise des rendez-vous difficiles. Après l’homme d’affaires breton, d’autres magnats de la presse et de l’audiovisuel défileront à leur tour dans les prochains jours devant cette commission d’enquête du Sénat. «Jamais dans l’histoire de l’Hexagone une poignée de milliardaires n’a eu une emprise aussi forte sur les chaînes de télévision, radio, journaux et magazines et ce, en pleine campagne présidentielle», souligne l’historien des médias Alexis Lévrier, maître de conférence à l’université de Reims. Premier actionnaire de Canal+, de deux grands groupes d’édition (Editis et Hachette), de nombreux journaux (magazines de Prisma Media, «JDD», «Paris Match»), d’un des poids lourds de la publicité/communication (Havas) et de la radio Europe 1, Vincent Bolloré (69 ans) est la figure qui illustre le mieux l’influence d’un empire médiatique sur l’opinion publique. C’est sur sa chaîne d’information CNews qu’Éric Zemmour, polémiste d’extrême droite, a pris son envol pour devenir candidat à la présidentielle. Vincent Bolloré, qui a laissé en 2018 à son fils Yannick la présidence du conseil de surveillance de Vivendi, n’a pas décliné l’invitation du Sénat. Et pour cause: «que l’on soit puissant ou pas, quel que soit son pedigree, on doit répondre aux convocations et venir répondre aux questions des parlementaires», rappelait récemment sur France Inter David Assouline, sénateur socialiste et rapporteur de la commission d’enquête. Vincent Bolloré est «celui dont tout le monde attend la parole, parce que c’est lui qui dirige la holding de tête et qui, à la fin, prend les décisions», justifie l’expert des médias Philippe Bailly.
Avare d’interviews, l’industriel breton avait déjà affronté en 2016 pendant plus de deux heures les questions d’une commission du Sénat, après sa prise de contrôle de Vivendi. «Je suis là pour faire le paratonnerre, si ça sert c’est bien», avait-il lancé aux parlementaires, tout en plaidant pour un groupe puissant face aux Gafa (acronyme désignant Google, Amazon, Facebook et Apple) et Netflix.
Les auditions de l’empereur du luxe Bernard Arnault («Les Échos», «Le Parisien», Radio Classique), de l’as des télécoms Patrick Drahi (BFMTV, RMC) et du roi du BTP Martin Bouygues (propriétaire de TF1 qui projette de fusionner avec M6) sont d’ores et déjà prévues. Celles de Xavier Niel et Arnaud Lagardère ont été repoussées à une date encore non déterminée. Le Sénat compte remettre fin mars son rapport pour faire la lumière sur les conséquences économiques et démocratiques d’une telle concentration.