V. GISBERT (SPECT) : «En 10 ans, les programmes de flux ont été les plus impactés : 90 M€ de budget en moins»

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Le Syndicat des Producteurs et Créateurs de Programmes Audiovisuels (SPECT) regroupe à ce jour 55 sociétés de production, réunissant tous les genres de programmes: jeu, divertissement, magazine, télé-réalité, talk-show, fiction, documentaire, spectacle vivant. Comment se porte la structure ? Quelles sont ses récentes actions ? Entretien avec Vincent GISBERT, Délégué général du SPECT.

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Après une année mouvementée à la fois pour les producteurs et les créateurs de programmes, comment le SPECT a-t-il géré l’impact de la situation sanitaire auprès de ses adhérents ?

VINCENT GISBERT

Nous regroupons 55 sociétés de production, des plus grands groupes internationaux aux PME familiales, ce qui représente plus de 50.000 salariés. Sur l’année 2020, il y a eu un coup d’arrêt assez brutal au moment du premier confinement où nous avons estimé les pertes de chiffre d’affaires de l’ordre de 100 M€/mois de nos membres (-20% en moyenne selon les structures). Ça a été extrêmement violent. Pour autant, au pire de la crise sanitaire l’année dernière, ce sont les programmes de flux et notamment les magazines produits par des producteurs indépendants qui ont «assuré» l’antenne pendant plus de deux mois. Il a fallu être ingénieux et réactif avec l’application de mesures sanitaires très strictes. C’est un vrai coup de chapeau qui doit leur être porté.

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Comment envisagez-vous ce début d’année 2021 auprès des producteurs ?

VINCENT GISBERT

La production continue mais elle doit s’adapter en permanence. Soulignons le respect extrêmement strict des mesures sanitaires durant les tournages. Même si la production audiovisuelle a été très gravement impactée ces derniers mois, elle commence à se remettre en ordre de marche. Cela représente d’abord un problème économique avec un surcoût d’environ 10% du budget initial. France Télévisions partage les coûts avec les producteurs, mais ce n’est pas le cas chez les diffuseurs privés. Fin 2020, il y a eu la mise en place d’un fonds d’indemnisation pour les programmes (magazines, jeux et divertissements) par la direction générale des médias et des industries culturelles afin de couvrir les arrêts de tournage en cas de Covid-19 et suppléer aux assureurs. Nous saluons l’implication de Jean-Baptiste Gourdin, son directeur, et de ses équipes. Ce fonds est mis en place jusqu’au 1er mai 2021. Nous demandons qu’il soit prolongé jusqu’en septembre, période où nous espérons que l’activité sera moins impactée par la crise sanitaire.

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Comment le SPECT a-t-il accompagné au mieux les producteurs ?

VINCENT GISBERT

Nous nous sommes mis en mode commando en déterminant les actions prioritaires. Concernant les mesures de soutien que l’État a mises en place, nous avons fait un travail d’information et de service pour les adhérents avec notamment la mise en place des protocoles sanitaires durant les tournages. Enfin, nous nous sommes impliqués dans la FESAC, la Fédération des Employeurs du Spectacle vivant, de la Musique, de l’Audiovisuel et du Cinéma, pour souligner les convergences entre les industries créatives. Il est important de souligner la mobilisation de la filière. Pour tous ceux qui assurent des captations de spectacles vivants pour la télévision ou qui produisent des grands shows de divertissement avec du public, cela a été particulièrement difficile et tendu.

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Dans l’un de vos récents communiqués, vous déclarez que «France 4 mérite plus qu’un sursis». Pouvez-vous nous détailler votre position ?

VINCENT GISBERT

La mission «Flash» sur l’offre jeunesse de l’audiovisuel public s’est déclarée très clairement pour le maintien de France 4 autour d’une offre diversifiée de programmes. Elle rappelle que l’audiovisuel public ne peut pas «oublier» les moins de 25 ans qui représentent 30% de la population française. Même son de cloche dans l’avis sur le contrat d’objectifs et de moyens de France Télévisions rendu par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale. Au SPECT, notre position est la même depuis longtemps. Avec 4 canaux au lieu de 5, France Télévisions peut respecter l’ensemble de ses missions. Mais à 3 non ! Après France Ô, la disparition de France 4 entraînerait des conséquences néfastes sur l’offre de magazines, de jeux et de documentaires des trois chaînes restantes, France 5 en particulier. Cela provoquerait la suppression de programmes de qualité, symboles du service public, qui ne seraient plus proposés aux téléspectateurs afin de faire de la place aux programmes jeunesse. Cela pose une question, celle de l’adéquation des moyens financiers que l’on donne à France Télévisions avec toutes les missions qu’on lui demande.

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Quelles solutions proposez-vous ?

VINCENT GISBERT

S’il y a un sujet sur lequel il faut commencer à avancer, c’est la modernisation de la redevance. C’est un sujet politiquement très compliqué, mais il est impératif d’être en mesure d’offrir un financement pérenne à France Télévisions pour que les programmes ne soient plus la variable d’ajustement budgétaire. En une décennie, les programmes de flux ont été les plus impactés : 90 M€ de budget en moins en 10 ans. L’arrêt de France 4 va aussi déstabiliser l’ensemble des chaînes du groupe. Voilà pourquoi, nous avons tiré la sonnette d’alarme. Il est encore temps de faire bouger les choses !