Même s’il a réaffirmé qu’il honorerait son contrat avec la Ligue 1, Mediapro n’a pas balayé les inquiétudes du football français, probablement privé pour plusieurs mois de ses droits TV, voire contraint de les renégocier à la baisse. La prise de parole, mercredi à Paris, du patron du groupe sino-espagnol Jaume Roures, a donné quelques réponses aux clubs, alarmés par le non-versement de l’échéance due en octobre, estimée à 172 M EUR par le quotidien «L’Equipe». Mediapro, a-t-il assuré, veut «respecter le contrat en vigueur», à plus de 800 M EUR par an pour la L1 et la L2 jusqu’en 2024, qui constitue le principal canal de financement du foot professionnel français. Le dirigeant catalan espère néanmoins renégocier. Ou plutôt, selon ses mots, «adapter les choses pour cette saison», perturbée par le Covid-19, se disant «optimiste» sur la conciliation en cours avec la Ligue (LFP) afin d’aboutir à une solution «raisonnable» qui puisse éteindre la crise. Travail, négociations et confidentialité: après la bombe lâchée par Mediapro, les différents acteurs se préparent à un match serré en coulisses, de salles de réunion en visioconférences, le terrain où se joue désormais la partie la plus importante de la rentrée. «La Ligue et (son président) Vincent Labrune travaillent d’arrache-pied pour trouver des solutions. On va faire étape par étape», tente de calmer Laurent Nicollin, président de Montpellier, satisfait d’avoir vu la LFP souscrire un prêt de 112 M EUR pour soulager les trésoreries de court terme. «Pour l’instant, on est payés. La Ligue gère ça de main de maître pour faire en sorte que cela ne soit pas compliqué pour les clubs», ajoute le dirigeant, estimant avoir «un répit d’un mois et demi avant le prochain versement», tout en se rendant à l’évidence: «S’il ne devait pas y avoir de droits TV, ce serait catastrophique pour tout le monde». Justement, Roures a laissé entendre que Mediapro ne payerait pas non plus l’échéance du mois de décembre, estimant par la voix de l’avocat du groupe Guilhem Bremond que la «question des échéances n’a pas beaucoup de sens» dans ce processus de conciliation permettant au débiteur de geler ses versements. De quoi maintenir l’incertitude au sein des clubs, d’autant que cette conciliation peut durer jusqu’à cinq mois … Mediapro est-il capable d’éviter la catastrophe ? «Cela reste extrêmement flou», analyse Philippe Bailly, patron du cabinet de conseil NPA, spécialisé dans les médias. «On ne sait toujours pas vraiment ce qu’il en est de l’actionnaire chinois (Orient Hontai Capital), les 600.000 abonnés revendiqués restent très loin de la cible fixée, et la conciliation leur permet surtout de les mettre à l’abri et de pouvoir dire: «Je ne paye pas»». Le doute est d’ailleurs partagé dans les sphères du pouvoir. A l’Assemblée, le groupe d’études sur l’Economie du sport, qui mène des auditions à ce sujet et a entendu notamment la LFP, a déploré l’absence à ces auditions, mercredi, de Mediapro, pourtant invité. «Il y avait une volonté de Mediapro de calmer le jeu, d’être ouvert à la conciliation, et puis dans le même temps, ils ne viennent pas (à l’Assemblée). Je trouve ça assez incohérent. Je suis surpris de l’attitude et de cette déconnexion entre les actes et les paroles», regrette Cédric Roussel, député LREM président de ce groupe d’études. En parallèle, en séance budgétaire lundi, le rapporteur général du budget Laurent Saint-Martin (LREM) a même déjà estimé qu’il était «fort peu probable» que les revenus de la taxe Buffet (prélevée sur les droits TV du sport) soient aussi élevés en 2021 qu’ils ne l’étaient en 2020, en raison notamment de l’affaire Mediapro. Le ministre délégué aux Comptes publics Olivier Dussopt a lui aussi indiqué que «le risque existe», espérant toutefois que les discussions «pourront aboutir». Mais la contre-partie de négociations réussies risque d’être la baisse du montant des droits TV.