O. WOTLING (ARTE France) : «Il y a de la créativité, de l’effervescence et du renouveau, partout en Europe»

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La chaîne franco-allemande continue à creuser son identité sur le terrain de la fiction. Son ambition est de mêler l’intime aux problématiques de la société d’aujourd’hui, tout en abordant chaque genre et chaque sujet à travers des trajectoires humaines. Pour nous en parler en détails, média+ s’est entretenu avec Olivier WOTLING, Directeur de la Fiction d’ARTE France. 

MEDIA +

Quelle identité voulez-vous insuffler aux fictions d’ARTE ?

OLIVIER WOTLING

Dans notre cahier des charges, la mission consiste à mettre en exergue la créativité et l’Europe. Notre devoir est de nous démarquer de l’offre du paysage audiovisuel français. Cela nous amène à faire des fictions assez différentes des autres chaînes. A cet égard, nous faisons peu de séries policières, historiques ni de faits divers. Nous avons toujours mis en avant des visions et des univers portés par des auteurs. La priorité est au récit, à sa force et à son univers par rapport à des sujets ou des thèmes possibles. C’est la vision de l’auteur qui nous motive.

MEDIA +

Est-ce que cette vision sous-tend une diversité de formats dans votre offre de fictions ?

OLIVIER WOTLING

Oui, tout-à-fait ! Les auteurs sont tentés par les nouveaux formats. En plus du 52’, nous explorons le 45’ et faisons des pas de côté vers le 26’. Après avoir fait «Au service de la France» en 26’, il se trouve que nous avons eu beaucoup de propositions dans ce sens, mais pas forcément cantonnées à la comédie. Début 2021, nous proposerons «En thérapie» (35X26’) mettant en scène, au lendemain des attentats de novembre 2015, un psychanalyste parisien en séance avec ses patients. Nous démarrons aussi sur le tournage d’une série de Valérie Donzelli, intitulée «Nona et ses filles» (9X26’). Mais notre format majoritaire reste les séries de 52’ et 45’.

MEDIA +

Quelle est votre politique d’unitaires?

OLIVIER WOTLING

Nous voulons commander des téléfilms vraiment différents de ce qui se fait ailleurs. Cela nous amène sur des terrains moins explorés. A défaut de proposer des sujets sociétaux de manière frontale, nous préférons aborder l’intime et l’humain. Notre ambition est de toucher le téléspectateur avant tout. C’est pourquoi nous avons beaucoup de personnages aux trajectoires fragilisées. Ces téléfilms montrent une humanité de façon délicate, et presque musicale. «À l’abordage» est un unitaire entièrement tourné avec des élèves du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique. Ils y vivent des histoires d’amour qui ne se passent pas comme prévu. Ces films intimistes naviguent entre légèreté́ et gravité comme «Claire Andrieux» qui explore un traumatisme refoulé et caché sous une vie normale autour d’une personnalité loufoque et attachante. Certains films traitent aussi de l’adolescence et du passage à l’âge adulte comme «Les héritières» ou «Clèves».

MEDIA +

Ce pas de côté répond apparemment à l’attente d’un certain public …

OLIVIER WOTLING

Nous avons réuni la saison passée jusqu’à 2 millions de téléspectateurs sur nos cases fiction. Nous considérons ces succès comme un encouragement à la diversité.

MEDIA +

Ce qui marque la saison fiction d’ARTE France, c’est aussi le grand nombre de reconductions de séries. Y en a-t-il plus que les années précédentes?

OLIVIER WOTLING

Oui, vous avez raison. Il est toujours compliqué de reconduire une série au vu de nos petits volumes. Cela pénalise très vite la nouveauté. Mais face au succès et aux univers déployés par «Mytho» et «Maroni», nous avons décidé de les reconduire en saison 2. Idem dans nos coproductions avec la série espagnole «Hierro», le préachat flamant «Beau séjour» et la série australienne «Mystery Road».

MEDIA +

Les coproductions européennes et internationales, est-ce une marque de fabrique ?

OLIVIER WOTLING

Oui, elles s’inscrivent dans notre mission première et notre fonctionnement avec l’Allemagne. Nous essayons de proposer un tour d’Europe des séries pour notre public. Cette année, nous allons en Islande avec la série «Blackport» et en Norvège avec «Countrymen». Dans «Géométrie de la mort», nous serons sur une coproduction polonaise, allemande, ukrainienne et tchèque. Un peu plus tard avec l’Italie il y aura la série «Anna».

MEDIA +

La créativité européenne est-elle au beau fixe ? 

OLIVIER WOTLING

Il y a de la créativité, de l’effervescence et du renouveau, partout en Europe. La raison ? La compétition est accrue entre les plateformes, les chaînes traditionnelles et les Pay TV, et cela amène de nouvelles écritures et la recherche de l’originalité. Les producteurs étrangers viennent assez vite nous voir pour nous soumettre des projets.

MEDIA +

De quel budget global disposez-vous dans l’unité fiction ?

OLIVIER WOTLING

Sur l’ensemble de notre travail (productions françaises, internationales et achats), nous sommes autour de 32 M€/an.

MEDIA +

A partir du 3 octobre, vous lancez ARTE.TV, une nouvelle offre numérique. Quel en est l’enjeu ? 

OLIVIER WOTLING

Nous avons eu des possibilités budgétaires assez modestes qui nous ont permis de lancer cette offre. Elle a vocation à être pérenne et reconduite chaque année. Ça a été un gros travail de repérage, de prospection et d’éditorialisation, plus qu’un enjeu financier. Entre le 3 octobre et Noël, nous aurons lancé 12 séries, dont 8 inédites en France. Nous porrons ainsi découvrir des séries cultes anglaises comme «Inside n°9», un sommet d’humour noir où chaque épisode a sa propre intrigue mais toujours marqué par la présence du chiffre 9. Il y a aussi des séries récemment primées comme «The Virtues» (multiprimée à Séries Mania 2018) qui raconte l’odyssée intime d’un homme alcoolique et dépressif qui décide de renouer avec sa sœur qu’il n’a pas revue depuis 30 ans.