La production audiovisuelle et cinématographique a été durement touchée par la crise sanitaire. Cette dernière est-elle prête à se relancer ? Entretien avec Olivier ZEGNA RATA, Délégué Général du SPI (Syndicat des Producteurs Indépendants).
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Même si certains tournages ont déjà repris, la production audiovisuelle et cinématographique est-elle prête à se relancer ?
Olivier ZEGNA RAT
C’est très compliqué. Beaucoup de conditions ne sont pas encore réunies. L’industrie audiovisuelle et cinématographique fonctionne sur des commandes, des marchés, des salons, des festivals et différentes exploitations. Le travail du producteur qui consiste à conjoindre les financements d’un programme, est devenu quasiment impossible avec le confinement. Aujourd’hui, nous assistons à une panne généralisée de tout le système de commande de contenus et de coproductions. Aucun marché ne redémarre vraiment. Les producteurs ont des difficultés à recomposer des tours de table autour de productions ambitieuses et internationales. Il se pose aussi le problème de la fermeture des frontières et de la circulation des comédiens. Fort heureusement, des tournages français vont reprendre rapidement même si des modifications éventuelles sont à prévoir dans l’écriture des scénarios pour tenir compte de la proximité entre acteurs. Mais pour beaucoup de sociétés, le redémarrage effectif des tournages n’est pas pour tout de suite. Le monde de la culture a envoyé mercredi 13 mai au Président de la République, une lettre ouverte dont le premier point est de souligner l’importance du système mis en place pour l’activité partielle, concernant les entreprises du spectacle vivant et enregistré. C’est un point crucial qui doit être conservé pour éviter des licenciements en masse.
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Est-ce la condition pour maintenir les entreprises audiovisuelles à flot ?
Olivier ZEGNA RAT
Oui, pour un grand nombre d’entre elles. Début juin, nous devrions voir apparaître, un fonds temporaire d’indemnisation pour les productions impactées par le Covid-19. Il s’agit d’un soutien financier promis par le Chef de l’État et sur lequel le CNC travaille. Ce fonds est très important et permettra de se substituer aux assurances qui, elles, ne prennent plus le risque Covid.
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Va-t-il falloir réinventer l’avenir de la filière de production indépendante ?
Olivier ZEGNA RAT
Oui, bien sûr ! Nous assistons à une mutation de nos marchés. Le système financier de la production, à la fois réglementaire et d’aide, qui permet à la France d’être parmi les grands pays producteurs de cinéma et d’audiovisuel, a été adapté à un marché ultra-dominé par la télévision généraliste en clair et la télévision payante. Le marché est aujourd’hui bousculé par l’irruption ultra-rapide et accélérée des plateformes internationales de distribution qui doublent la télévision payante telle qu’on la connaît avec Canal+. Ces nouveaux services fragmentent la part d’audience des chaînes en clair. On se retrouve dans une situation où les deux marchés historiques qui soutenaient la production dans notre pays, se voient doubler par Netflix et Disney+ notamment. Il est donc capital de réinventer notre système de financement.
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Comment le système de financement de l’audiovisuel et du cinéma peut-il être repensé ?
Olivier ZEGNA RAT
En demandant aux nouvelles plateformes d’investir dans un système où la production indépendante française est protégée. Si les services de SVOD sont absolument libres de leur commande, non seulement il y a le risque que les œuvres commandées ne visent que le public international, et que les producteurs soient totalement dépourvus de leurs droits. A terme, les plateformes deviendront les maîtres de l’exportation du cinéma français et décideront dans quel pays et sous quelles conditions les films seront vus. Il est donc essentiel que les conditions dans lesquelles ils interviennent en production soient encadrées de la même manière que pour les acteurs traditionnels : en protégeant la production «déléguée» et en rejetant la production «exécutive» qui fait du producteur un simple fabricant pour autrui.