P. BLASSEL (Hadopi) : « 10 millions de Français piratent, ce qui génère un manque à gagner d’1 milliard € »

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Le baromètre de la consommation culturelle des biens dématérialisés d’avril 2020 montre que le confinement a été propice au piratage. L’occasion pour media+ d’en savoir d’avantage avec Pauline BLASSEL, Secrétaire générale de l’Hadopi.

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Que retenir du dernier baromètre de la consommation des biens culturels dématérialisés ?

Pauline BLASSEL

Avant la période de confinement, nous étions dans une tendance très positive avec une baisse assez forte du piratage. Mais pendant la crise sanitaire, nous avons assisté à trois étapes. Pour des raisons assez évidentes, la consommation de biens culturels a bondi dans un premier temps en mars, profitant en majorité à l’offre légale. Dans un deuxième temps, à partir du mois d’avril, il y a eu une remontée très nette de la consommation illicite. Elle semble aujourd’hui s’être tassée dans un troisième temps. Le piratage retrouve malheureusement son niveau de mai 2019. Pourtant, nous avions réussi –  entre fin 2019 et début 2020 – à enclencher une baisse assez forte des pratiques illicites.    

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Alors que l’offre légale est pourtant bien disponible, pourquoi le confinement a-t-il été propice au piratage ?

Pauline BLASSEL

Parce que le niveau de consommation de biens culturels des internautes est monté à 89% (+8 points sur 1 an). Les Français se sont précipités d’abord sur toutes les offres légales. Mais ça n’a pas suffi. Rappelons que les internautes ont parfois des pratiques mixtes, mêlant une consommation illicite avec un abonnement à une offre audiovisuelle. Les gens consomment de tout, et selon tous les modes. Voilà pourquoi, un internaute qui pirate peut très bien avoir une consommation légale en parallèle.

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Comment l’Hadopi lutte-t-elle aujourd’hui contre le piratage ?

Pauline BLASSEL

Notre continuons la mise en œuvre de la procédure de réponse graduée. Nous avons pu l’appliquer pendant la période de confinement puisque tous nos agents avaient été équipés de VPN, pour qu’ils puissent accéder au système d’information de la procédure à distance. Par ailleurs, il y a toute une série de démarches avec les ayants droit, dont des actions en justice qui mènent au blocage et au déréférencement des sites illicites. Courant 2019, un nombre assez important de décisions de blocage ont été obtenues par les ayant droits, avec la neutralisation des galaxies illicites assez importantes, et qui avaient entraîné une diminution du piratage. A ce jour, il y a 10 millions de Français qui piratent, ce qui génère un manque à gagner de l’ordre d’1 milliard € dont 400 M€ pour l’État en pure perte de recettes fiscales et sociales. C’est un préjudice pour tous. D’autant que le secteur a été, en plus de cela, très violemment fragilisé par la période confinement.

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Quelles sont les actions à mener aujourd’hui ?

Pauline BLASSEL

Trois types d’actions doivent être menées, elles sont d’ailleurs en partie reprises dans le projet de loi audiovisuelle. D’abord, il y a tout un volet information et éducation du public. Nous avons développé des modules pédagogiques pour les primaires, collèges et lycées pour les sensibiliser à la protection de la création, en les mettant en situation de créateur pour leur faire comprendre l’impact du piratage. C’est aussi l’occasion de les alerter sur les risques de ces offres illicites. Quand des enfants naviguent sur ces services, ils se retrouvent souvent face à des arnaques, des virus ou des pubs de charme. La deuxième action est la réponse graduée, une démarche pédagogique et dissuasive qui s’adresse au plus grand nombre et les informe sur l’existence de l’offre légale, son intérêt et les risques du piratage. Nous pouvons aussi impliquer à nos côtés, tous les acteurs vertueux de l’internet, susceptibles d’aider à la lutte contre les services illicites. Il y a deux catégories d’intermédiaires : les plateformes comme YouTube ou Facebook et les intermédiaires techniques (de la publicité, du paiement en ligne, et de l’hébergement). Enfin, le dernier volet est plus judiciaire car il concerne les décisions de blocage ou de déférencement.