Les plateformes en ligne à la conquête des enfants

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Netflix, Amazon et consorts musclent leur offre jeunesse pour séduire les enfants – et faire s’abonner leurs parents – face à une concurrence de plus en plus féroce. Apple ouvre le bal le 1er novembre avec notamment un film inédit, «Snoopy dans l’espace» et une série des créateurs de Sesame Street, «The Helpsters», proposés dans son nouveau service Apple TV+ pour 4,99 dollars par mois. Puis ce sera le tour le 12 novembre de la plateforme Disney+, avec son prestigieux catalogue qui va de «Star Wars» à Marvel en passant par les «Simpsons», disponible à partir de 6,99 dollars par mois aux Etats-Unis. TF1 a aussi lancé sa plateforme pour les 3-12 ans, TFOU MAX, à 3,99 euros par mois, avec Barbapapa et Calimero. Et WarnerMedia a recruté une ancienne de Nickelodeon et Disney pour préparer l’offre junior de sa plateforme HBO Max, prévue pour 2020. Cette frénésie réjouit les producteurs présents au MIPJunior et au MIPCom, les festivals cannois où se vendent chaque année des milliers d’heures de séries familiales et de contes de fées. «Je n’ai jamais vu autant d’investissement dans les programmes jeunesse», a lancé lors d’une table ronde Josh Scherba, le président du groupe canadien WildBrain, et producteur entre autres des séries «Ninjago» et «Polly Pocket». L’intérêt est d’autant plus fort que les enfants, inventeurs du «binge watching» avant l’heure, ont tendance à regarder les programmes en boucle, établissant une relation forte avec eux. Et ils regardent encore beaucoup les programmes TV (44 heures par mois au Royaume-Uni selon le cabinet Insights People), même si les jeux vidéo les talonnent (40 heures par mois). En France, Médiamétrie décomptait en 2018 1h39 par jour pour les 4-14 ans, avec près d’un quart de l’audience pour les écrans autres que la TV. Si les plateformes peuvent offrir une visibilité mondiale à une série, le risque est d’en éloigner les enfants non-abonnés. «Si vous avez besoin des produits dérivés, comme des jouets, pour que votre dessin animé soit rentable, il vaut mieux éviter les plateformes», a assuré Andy Heyward, président de Genius Brands International, et producteur exécutif de «Denis la Malice», «Capitaine Planète» ou «Sailor Moon». Il faut donc concocter un cocktail de coproductions entre chaînes, plateformes payantes et diffusion gratuite, pour que la marque soit «promue partout», souligne Andy Heyward. Le lapin Molang a retenu la leçon avec ses gags et ses dialogues dans une langue imaginaire: inventé en Corée, produit par le studio français Millimages, diffusé en France sur Canal+ puis TF1, Molang a du succès à l’étranger sur des chaînes hertziennes et plusieurs plateformes en ligne dont Netflix, mais aussi sur les réseaux sociaux et dans les magasins de jouets. La longévité des séries est un autre problème: les plateformes n’ont pas encore l’habitude de s’engager pour plus de deux saisons, souligne la PDG du producteur britannique Serious Lunch, Genevieve Dexter, qui a produit pour Netflix «Les nouvelles légendes du roi singe». Aux côtés des géants payants, les offres gratuites dégainent aussi leurs offres jeunesse. YouTube a essuyé les plâtres avec une application dédiée, «Kids», avant d’être accusé d’exposer les enfants à des vidéos inappropriées ou de collecter des données personnelles les concernant. La plateforme de Google a revu sa copie et va payer 170 millions de dollars dans le cadre d’un accord avec les autorités américaines. La plateforme américaine Tubi, financée par la publicité, a aussi présenté lundi une offre jeunesse avec au catalogue les «Tortues Ninja», «Paddington» ou «Sonic le hérisson». France Télévisions lancera en décembre, et sans publicité, sa plateforme Okoo pensée pour les 4-10 ans. Avec la possibilité de rattraper les épisodes en ligne, Okoo va proposer plus de séries et «de nouvelles façons de raconter des histoires» selon Tiphaine de Raguenel, la directrice de l’offre jeunesse du groupe.