Des journalistes de douze groupes de presse français contribuent à un prototype d’intelligence artificielle dédié aux journalistes, développé par l’ONG Reporters sans frontières (RSF) et l’Alliance de la presse d’information générale (Apig), présenté jeudi par ses initiateurs. Ce projet baptisé Spinoza, concentré sur la presse écrite, avait été annoncé en novembre avec l’objectif de mettre au point «un outil d’intelligence artificielle (IA), par et pour les journalistes, qui garantit la propriété intellectuelle des médias sur leurs publications».
Son prototype est centré sur les enjeux de changement climatique et contient cinq bases de données: 12.000 articles de presse, la législation, les rapports des experts du climat du Giec et de l’agence Ademe, ainsi que des documents tirés de la stratégie nationale bas carbone du gouvernement, soit des dizaines de milliers de pages au total. Sur la base d’une requête en lien avec le climat, Spinoza fait l’état des lieux de la question, présente les «points d’accord» mais aussi les «contradictions ou différences» de points de vue ou de chiffres. Il est possible de consulter les sources utilisées. «Je le vois comme une IA d’assistance» pour «un gain de temps» ou «la définition d’un angle» pour aborder un sujet, a témoigné Luc Bourrianne, rédacteur en chef de La Nouvelle République du Centre-Ouest. Participent également au test le groupe Ebra (presse régionale dans l’est de la France), Publihebdos (92 hebdomadaires d’information locale), Libération et L’Equipe, entre autres. Il est financé par RSF, l’Apig – qui regroupe en France près de 300 titres d’information quotidienne – ainsi que par une subvention du ministère de la Culture.
Réalisé avec la société Ekimetrics et utilisant le modèle de langage GPT 3.5 d’OpenAI, le prototype doit être perfectionné jusqu’à l’automne, où un bilan sera fait avant la phase suivante, la définition d’un modèle économique. Le cas échéant, «il devra y avoir un partage de la valeur» pour l’utilisation des articles de presse, prévient Pierre Petillault, directeur général de l’Apig. Plusieurs médias dans le monde expérimentent l’IA générative, qui permet par exemple de produire des textes ou des images sur simple requête en langage courant. Cette technologie peut constituer un risque pour la fiabilité de l’information, notamment via la création de «deep fakes», des trucages sophistiqués de vidéos. RSF a initié fin 2023 la Charte de Paris sur l’IA et le journalisme, selon laquelle «le jugement humain doit rester central dans les décisions éditoriales».